mercredi 4 novembre 2015

LISA And The LIPS (mars 2014), by Bruno



     Crénom !       censuré   de     censuré       de     censuré      ! M'enfin. J’ai failli passer à côté de ce petit brûlot de Soul authentique qu’est ce torride « Lisa & The Lips ».
     Tout juste si, d’après la « presse de masse », il y a un renouveau, ou un revival (ça sonne mieux, c’est plus branché) de la Soul toutes les semaines (au pire tous les mois), et puis finalement, à l'écoute du sujet tant vanté, on reste assez déçu. Déçu, soit parce que les critiques dithyrambiques ont fait croire à la réincarnation d’Otis Redding (ou de Wilson Pickett), soit parce que, et c’est malheureusement bien trop souvent le cas, on confond la Soul avec la soupe r’n’b exempte de toutes âmes (justement) engendrant en boucle des clones consanguins ayant bien moins de considération pour la musique que pour leur portefeuille et leur égo démesuré.
Et pourtant qui nous a parlé de ce Lisa & The Lips ? Pas grand monde, ou sinon, parfois, juste un encart de quelques pauvres lignes. Et puis, malheureusement, il faut bien avouer que l'artwork ne laisse rien présager du contenu, et encore moins de la présence de deux musiciens d'importance . On peut même le taxer de repoussant.
Tant de clips, de promotions, d’ « actus people » stériles, tant de temps gaspillé pour des gens qui n’en mérite pas tant (toutefois il est vrai que, poussés par une machine promotionnelle cyclopéenne, ils peuvent générer de la très grosse monnaie – personnellement, j’apparente cela à du pur investissement spéculatif ; évidemment, dans le sens économique et péjoratif, le côté humain étant dorénavant secondaire -).
 

   Certes le personnel de Lisa & the Lips n’est plus d’une première jeunesse, et ne correspond pas physiquement aux critères imposés par l’industrie « musicale ». Aucune bimbo botoxée, aucun minet, aucun "dur" de pacotille aux tatouages trouvés dans un catalogue. Car maintenant, on ne demande plus au public d’écouter, mais d’être hypnotisé par du grand spectacle (c’est parfois la rencontre de Disney et du cirque Barnum, avec play-back de rigueur). On regarde avec des yeux écarquillés une représentation qui a plus de points communs avec Broadway qu’un vrai, pur et simple concert… avec des musiciens.
Bon bref, après cette saute d’humeur… mais oui c’est vrai quoi ! Revenons à nos moutons… (moutons…)

     Donc, en dépit d'avis systématiquement positif venant de tous ceux qui ont pris la peine d'y prêter une oreille, ce fameux Lisa & the Lips est pratiquement passé inaperçu. Certes, le couple Lisa & Bob a toujours refusé de mordre à l’hameçon de contrats alléchants. Prenant sciemment le partie de tourner le dos aux labels pourvus de moyens conséquents et sûrs, optant pour les « petits » indépendants, afin d’être assurer de garder toutes leur liberté d’expression et de création. De garder leur propre liberté. Même, si là aussi, on rencontre quelques phénomènes plus enclin à essayer de gagner de la tune rapidement qu'à promouvoir la musique et ses servants
Pour les jeunots et les novices, les non-initiés, le couple Lisa Kekaula et Bob Vennum, est la force génératrice de The Bellrays ; ce groupe californien sans concession prêchant la bonne parole d'un "maximum Rock'n'Soul". Dont l'ensemble de leur discographie corrobore bien cet état d'esprit.

      Ces deux là ont tout compris du Punk-Rock et du Garage-Rock, du High-octane-Rock’n’Roll (Detroit trademark ?), et enfin du Hard-Rock bluesy et furibard. Le tout en mâtinant tout cela de Rythmn’n’Blues ou d'effluves moites urbaines (en quelque sorte, une touche crade). A partir de « Have a Little Faith », ils pondirent quelques magnifiques morceaux de Soul, perdus au milieu de Rock incandescents, qui surprirent tant par leur maîtrise que par leur indéniablement qualité. Un retour progressif aux aspirations de leur premiers opus de 1993 (!) : "In the Light of the Sun". Un premier jet, véritable ovni pour l'époque, gorgé de joyaux Pop-garage 60's, de pépites de Soul rustique et de perles de Rythmn'n'Blues nimbés de psychédélisme.
Aujourd’hui, ils ont lâché sans sommation une bombe d’authentique Soul urbaine, parfumée aux effluves moites des rues de Detroit et des studios de Stax, copulant parfois avec un Rock fiévreux. Et pour réaliser leur dernière vision en date, les conjoints se sont alliés à des musiciens ibériques dont la parfaite maîtrise du sujet, nous ferait croire à quelques requins de studios débauchés des meilleurs de Memphis ou de Nashville. Le claviériste, lui (Henrik Widen), vient de Suède, d'où il aurait été expulsé car on soupçonnait son jeu très percutant, groovy, de contribuer au réchauffement climatique du pays (si, si. L'info vient de Sonia). Un collectif sans frontières donc, qui a enregistré en Espagne, mixé aux USA, et pressé en France (!).
 

   Lisa Kekaula
reste fidèle à elle-même : c’est une panthère noire feulant, éructant, rugissant, autant qu’elle chante de sa voix chaude et rauque. Ce que confirme la grosse cylindrée « Mary Xmas » où Lisa se laisse totalement posséder par la musique, devenant alors une pure émanation d’électrons libres crépitants dans l’air chargé d’électricité. Une énergie palpable engendrée par une basse ronde, fluide et groovy à souhait, des guitares légèrement dirty et mordantes, une batterie nerveuse et des cuivres vivifiants. Fait que conforte « You Mighty Say » avec une wah-wah presque de rigueur qui affirme la couleur 60’s-70’s. 


Voilà !  – Paf ! In your face –  D’entrée, sans avertissement préalable, deux scuds incendiaires. C’est un pur revival de la Tina Turner mordante (ère 69-73) avec des chœurs virils et frustres en lieu et place des Ikettes
En matière de grattes, il s’agit d’un réel travail en duo : une interaction de deux six-cordes s’imbriquant, se renvoyant la balle, ou protégeant mutuellement leurs arrières. Bien que légèrement en retrait par rapport à la basse, et parfois même des cuivres, elles sont les gardiennes de l’âme Rock de ce collectif. Avec notamment Vennum qui garde, comme une marque indélébile, un tatouage recouvrant l’épiderme caché sous ses frusques, un grain qui n’est pas sans évoquer le son de Detroit, du MC5. Deux pelles à l’overdrive modérée, au spectre sonore évoquant du matos vintage affichant des heures de scènes et aux micros un peu fatigués mais ô combien chaleureux, prêtent à sortir la wah-wah à la moindre occasion.

Tandis que « Troubled Mind » et « Come back to Me » retrouvent la magie des pièces exultantes d’Otis Redding. Voire d’une Katie Webster qui aurait opté pour un orchestre franchement plus Rock que Blues.
« Black Board », attifé comme un dandy black chaussé de bottines en peaux de croco, affichant un air de défi, parcourt d’un pas nonchalant et chaloupé, presque dansant, les rues crasseuses, et vaguement éclairées par des réverbères fatigués, de Harlem et du Bronx ; à moins qu’il ne s’agisse de celle de Detroit.
Et « Stop the Dj », tel un p’tit teigneux téméraire, bouscule toutes les B.O. de la Blaxploitation  d’hier et d’aujourd’hui. Hé ! Quentin ! Tu es en mal d’inspiration pour la musique de ton prochain film ? Ne cherches pas plus loin.
« It Only Takes a Little Time » renoue avec une atmosphère propre à Otis Redding cependant ici avec la facette de la ballade romantique, avec ce doux parfum dramatique qui connecte les êtres sensibles aux filaments lumineux de la source.

   « Push », poussé par une basse lourde, alerte et bondissante, se frotte au Heavy-Funk ; celui qu’ont souvent essayé d’atteindre les jeunes loups issus du British-blues et du Heavy-rock des années 70. C’est la rencontre de James Brown avec un Kravitz rageur et sous caféine.
« The Player » envahie et conquiert le territoire de Parlamient. Guitares saturées psychédéliques, cuivres en état d’ébriété, chœurs allumés, basse montée sur des plates-formes boots et claviers carburant au chichon.

     Que l'on arrête enfin de nous polluer avec des émissions lobomotisantes, pseudo-musicales, qui ne mettent en valeur que des gamins bien plus obnubilés par leur look, la réussite sociale et la possibilité d’accéder à une notoriété, même éphémère, plutôt que la musique (inversement des valeurs), et braquez vos projecteurs et vos caméras sur d’authentiques artistes qui ont voué leur vie à la musique (et non au dollar). Mais quel gâchis, quelle honte de voir des artistes de cet acabit rester dans un relatif anonymat, alors qu'il y a tant d'escrocs et de faussaires qui se remplissent les poches.

     Lisa & The Lips a bien tournée dans l’hexagone cet été – sans pub ni promo quelconque -… avec pour résultat : le vol de leur matos le 24 juillet dernier à Bordeaux. Dont une basse Sandberg California, une Les Paul Epiphone Prophecy, une Fender Telecaster Reissue 52, plus Ibanez Tube Screamer, Marshall Vibrotrem, MXR Carbon Copy, Fulltone OCD, TC Electronics Hall of Fame.
C'est laid, d'autant plus qu'ils sont bien loin de rouler sur l'or. Au pire, ces malfrats auraient pu jeter leur dévolu sur des mercenaires blindés, salariés de l'industrie musicale.

Un des couples les plus authentiquement Rock'n'Roll de la planète a encore réalisé un grand disque, débordant de saines vibrations positives et revigorantes. 

     Comme pour leur précédent projet, ou plutôt l'intermède acoustique, Bob & Lisa (unique disque "Rosethorns"), l'album est distribué par Vicious Circle. Un actif label indépendant de Bordeaux (ouais, en France - incrédibeule bâte frouth -) qui mouille sa chemise pour promouvoir des artistes. Un label qui peut proposer une aide à l'autoproduction et au pressage (CD, Lp et DVD), et un service gratuit pour le graphisme.

Lisa Kekaula : chant & chœurs
Bob Vennum : Guitares, basse, synthés et chœurs
Pablo "funky" Pérez : Guitares et chœurs
Henrik Widen : Hammond B3, Wurtlitzer, Clavinet, vibraphone et piano

avec :
Maxi Resnikosky : batterie
Pablo Rodas : bass
David Carrasco : Saxophone ténor et baryton
Alex Serrano : trompette








Article lié (clic) :
The BellRays "Black Lightning"

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