vendredi 18 décembre 2015

MIA MADRE de Nanni Moretti (2015) par Luc B.



C’est un film très personnel que ce MIA MADRE (Ma mère) de Nanni Moretti. Comme toujours avec lui, certes, mais plus intime encore, puisqu’il s’inspire de son dernier tournage, HABEMUS PAPAM en 2011, pendant lequel la mère de Moretti est décédée. Le film met donc en scène Margherita, réalisatrice, en plein tournage d’un drame social sur le licenciement d’ouvriers d’usine. Margherita a beaucoup de mal à gérer la star de son film, un comédien américain, Barry Huggins, très mauvais et cabotin, qui se vante d’avoir tourné avec Stanley Kubrick, qui lui aurait même proposé de lui écrire deux autres films, mais hélas, il est mort avant… Plus tard, confronté à son petit mensonge, Huggins s’enorgueillira d’avoir été viré par Stanley Kubrick ! Même ça,  ça fait reluire un CV ! 

En parallèle, Margherita doit aussi gérer sa séparation avec son amant, et surtout l’entrée à l’hôpital de sa mère, dont les médecins savent qu’elle ne pourra être sauvée. Margherita vient la voir après ses journées de tournage, rejoint par son frère (joué par Nanni Moretti).

C’est un film extrêmement sensible, mais jamais mélodramatique. On reconnait l’univers de Moretti, la mère du film est enseignante, comme l’était, celle du réalisateur, le monde du cinéma, le tournage dans le tournage, et cette liberté de ton, légère et grave. Margherita se souvient de sa jeunesse, parfois, on passe du présent au passé, elle se croise elle-même plus jeune, dans une file de cinéma. Le temps est sens dessus dessous, les souvenirs se télescopent, comme pour mieux traduire l’état mentale de Margherita, qui se fissure lentement, accaparée à créer d’un côté, et assister impuissante à la disparition de sa mère, de l’autre.

Il y a de belles séquences, comme la fuite d’eau dans l’appartement de Margherita (très symbolique) et son déménagement dans celui de sa mère, la visite d’un colporteur, qui à partir d’une situation banale, va totalement déboussoler Margherita. Et lorsqu’on apprend le décès de la maman. Margherita lance tout de même son plan, annonce « coupez » puis s’en va, sans un mot, entre deux camions-régie.

C’est un récit sobre, presque clinique, touché parfois par la poésie d’un plan. Le tournage du film de Margherita agit comme une respiration plus légère, les scènes avec Barry Huggins sont drôles et savoureuses (mais pas hilarantes comme lu ici ou là), et doivent tout à la performance de John Turturro (le chouchou des frères Coen), très à l’aise en italien. Ou plutôt à sa contre-performance, puisqu’il joue un mauvais acteur, et pour ça, il faut un sacré talent ! Sa prestation à la cantine est catastrophique, mais c’est une star, et personne n’ose lui dire qu’il est à côté de la plaque ! Déjà, pour son premier plan, il récite les dialogues de la mauvaise scène ! Drôle aussi la scène dans la voiture, où Tuturro conduit sans rien y voir, à cause des trois caméras fixées sur le capot.

Ce film a reçu tous les éloges. Moretti n’en a pas raté beaucoup… voire aucun. Pourtant, on ne ressort pas de la salle totalement conquis. C’est très touchant, juste, pudique, mais assez répétitif. Statique aussi. On passe du tournage à l’hôpital trop systématiquement. Il n’y a pas vraiment d’évolution dans les personnages, les relations entre le frère et la sœur sont très en retrait. Il y a des prémices. Le frère passe plus de temps au chevet de sa mère, il a décidé d’arrêter de travailler, lui prépare des plats, quand Margherita, elle, ne peut qu’acheter du tout fait, le soir.

Les situations entre l’acteur américain et la réalisatrice auraient pu être différemment exploitées. Huggins est juste un effet comique, mais humainement, il n’est pas attachant. Et dramatiquement, à part qu'il agace tout le monde, le personnage n'évolue pas, ne s'intègre pas à l'histoire. C’est sans doute volontaire de la part de Moretti, mais ça donne un personnage finalement pas très intéressant.

On se rattache à l’interprétation, Margherita Buy est sublime, Turturro génial. On en regrette presque le (second) rôle en retrait de Moretti.
Couleur  -  1h45  -  1:1.85
    


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