vendredi 27 mai 2016

CAFE SOCIETY de Woody Allen (2016) par Luc B.


Le premier plan donne la couleur. Un travelling magnifique le long d’une piscine, dans une somptueuse villa. Les invités boivent du Champagne, les starlettes papillonnent. La caméra s’approche du propriétaire des lieux, Phil Stern, agent de stars à Hollywood dans les années 30. Il fait dire à qui veut l’entendre qu’il attend un coup de fil de Ginger Rogers, quand une domestique le prévient qu’on l’attend au téléphone. Phil Stern prend le combiné. Plan suivant : à l’autre bout, sa soeur Rose, voix rauque dans son minable meublé, lui demande de prendre son fils Bobby en stage dans son agence…
Bobby débarque donc dans les cités des anges, et fait le coursier pour son oncle. Il tombe tout de suite amoureux d’une secrétaire, Vonnie. Qui bien que sensible au charme du neveu, n’en est pas moins la maîtresse du tonton. Ainsi commence un marivaudage à trois, qui nous renvoie à l’univers d’Ernst Lubitsch. Car c’est sous le sceau du réalisateur de SERENADE A TROIS ou SHOP AROUND THE CORNER, que le dernier Woody Allen est frappé. D’autant que la voix du narrateur (Woody himself) annonce les faits, avant que les images n’y reviennent, souvent en flash-back. La construction du film est assez exemplaire…
De même que Phil Stern joue les marionnettistes avec ses vedettes, les plaçant sur tel ou tel projet, Woody Allen va lui aussi tirer les fils, s’amuser avec ses personnages, leurs destins, faisant et défaisant les couples. Comme le dit Bobby dans le film, « la vie est un roman écrit par un auteur sadique ». La première partie se passe à Los Angeles, et s’achève lorsque Vonnie choisit entre ses deux amants. On aura eu des scènes merveilleuses, Bobby et la jeune prostituée novice, le diner manqué avec Vonnie (qui rappelle LA RUEE VERS L’OR avec l’ellipse de temps sur les chandelles), la rivalité de l’oncle et du neveu qui en ignorent tout.
Seconde partie à New York, où Bobby travaille dans le night-club de son frère Ben. Un gangster notoire. Le film est parsemé d’assassinats, de cadavres coulés dans le béton. Si on se plaint d'un voisin bruyant, Ben annonce qu’il ira lui dire deux mots. Et on ne revoit plus le gêneur ! Les années passent, Bobby rencontre Véronica, (la sculpturale Blake Lively), le tout raconté en scènes courtes, l’intrigue se précipite en quelques plans, tout est limpide.
On y parle moins de cinéma que de couple, d’amour, de tiraillements sentimentaux. La troisième partie du film voit le couple Phil / Vonnie débarquer à New York, dans le club de Bobby. Les ex se revoient, mais à aucun moment on ne peut savoir si Bobby et Vonnie redeviennent amant ou non. C’est toute l’élégance du film, l'intelligence du récit.
C’est le club de Bobby maintenant, son frère a eu quelques soucis ! Ces séquences sont parmi les plus drôles, lorsque Ben se convertit au Christianisme en prison, car on y vante la vie après la mort. Pour un gars qui risque la chaise électrique, c’est pas con. On retrouve la verve de Woody Allen dans un dialogue entre tante Rose et son mari, juifs. « Je ne sais pas quel est le pire, apprendre que mon fils a tué des gens, ou qu’il se soit converti ». « Si les juifs avaient en boutique la vie après la mort, ils auraient plus de clients ». Et le père de se lamenter : « Après la vie, y’a rien, juste le silence / Pourquoi tu dis ça ? / Parce que tous les jours je prie, je prie, je prie… et personne ne répond / Pas de réponse, c’est déjà une réponse ».
Les deux derniers plans sont superbes, symétriques, unissant ces âmes sœurs, Bobby à New York, au réveillon du nouvel an, le regard perdu parmi les fêtards, un travelling circulaire autour de lui, puis le même, à Los Angeles, autour de Vonnie, elle aussi mélancolique alors que les bouchons de Champagne claquent.
Jesse Eisenberg est mieux qu’un ersatz de Woody, fébrile au départ, endurci ensuite, Kristen Stewart est décidément très sexy. Les décors et les costumes sont particulièrement soignés, magnifiquement mis en lumière par Santo Loquasto. Woody Allen ressuscite un genre, la comédie sophistiquée douce-amère. Ce film est une merveille d’élégance, de précision, la forme n’a jamais été aussi belle, et le contenu pétillant.
Couleur  -  1h30  -  format 1 :1.85


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1 commentaire:

  1. L'affiche est très belle en plus. Je trouve.

    Et ce film atypique, Ma Loute, tu es aller le voir Luc ? Moi j'y vais ce WE.

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