mardi 10 mai 2016

MATALO de C.Canevari (1970) - édition DVD Artus 2016

Matalo est un western de 1970 que l'éditeur Artus vient de sortir en DVD avec VF.
Autant le dire tout de suite si vous aimez les westerns où John Wayne sauve la veuve et l'orphelin sans défroisser sa chemise  ni salir son foulard ou ceux dans lesquels Gary Cooper  ou Henry Fonda  rasés de prés vainquent les méchants  à la fin, cette coproduction italo-espagnole tournée à Alméria n'est pas faite pour vous...Il s'agit en effet d'une oeuvre à part qui intervient alors que commence le déclin du genre (même si c'est aussi l'année où sort "Il était une fois dans l'Ouest"), les Trinita et leurs avatars vont  le faire sombrer dans la parodie et le grand n’importe quoi.
Mais écoutons le réalisateur Fernandino Baldi (1927-2007 réalisateur de Texs Adios, le dernier des salauds, Blindman..) : "Le western américain a fait partie de l'histoire américaine, le western italien n'a pas fait partie de la notre, il faisait partie du royaume de la fantaisie et dans ce divertissement nous avons tout mis". Voila, c'est comme cela qu'il faut prendre ce genre fascinant : un divertissement sans souci de réalisme ni de réalité historique, une fantaisie ou tout est permis, où l'on peut tout oser, et pour cela ce "Matalo" va combler les amateurs de cinéma bis . ( A noter qu'il s'agit peu ou prou du même scenar qu'un  film de 1967 "Dieu ne paie pas le Samedi)).

Le réalisateur Cesare Canevari (1927-2012) s'est surtout illustré dans le giallo et le film érotique et même  la nazisploitation (Moi Emmanuelle, la princesse nue, crime charnel , l'ultime orgie du 3eme Reich..), quelques westerns mineurs aussi (Pour un dollar à Tucson on meurt), bref un réalisateur de seconde voire de troisième zone qui signe pourtant ici avec un certain talent une vraie curiosité filmique, à moins qu'il ne fut tourné sous acides..

des plans surprenants


 l'histoire: en fait on s'en fout un peu, elle passe au second plan derrière la galerie de personnages frappadingues, les effets et plans  de caméra, les décors et les costumes  et la bande originale sur laquelle je reviendrai plus loin.

La place d'une petite ville, un corbillard, une veuve, des enfants qui jouent à saute-mouton, une potence sur laquelle on conduit un condamné goguenard, l'attaque d'une bande de mercenaires mexicains venus le libérer et  laissent une rue jonchée de cadavres, voila un début fracassant où  la belle gueule de Burt  (Corrado Pani (1936-2005)) et son accoutrement de hippie aimante l'action.
A peine libéré il abats  ses sauveurs et est rejoint par 2 complices, Théo, un vrai taré, sadique et obsédé, accoutré d'une peau de chèvre, et le 3eme larron, Phillipe (Luis Davila, acteur argentin) avec ses colliers n'est pas en reste. On nage en plein flower power avec quelques décennies d'avance, il faut dire que le film a été tourné l'année de Woodstcok, ceci explique cela. A noter que dans "Le spécialiste" de Sergio Corbucci sorti en 1969 - petit western avec Johnny Hallyday en pistolero (!)- le héros était aussi aux prises avec une bande de hippies.
la ville fantôme
 Les 3 se réfugient dans une ville fantôme qui sera prétexte à de beaux plans et à une ambiance gothique, plus gialli que western avec des ombres, un cimetière, une balançoire qui couine, une harpe qui joue toute seule, un rôdeur mystérieux...Arrive une autre complice, Maria  -sublime Claudia Gravy -  la nana de Phillipe, mais elle se tape aussi Burt et allume le taré (Antonio Salines qui livre une composition allumée à la Klaus Kinski). Tout ça quasiment sans dialogues, 10 phrases dans tout le film peut être.
Burt est blessé et laissé pour mort par ses comparses quand ils braquent une diligence puis de nouveaux personnages apparaissent : une vieille folle ex patronne de la ville du temps de sa splendeur, une veuve dont le mari et le cheval sont morts dans le désert et enfin un étranger à demi mort de soif, dont on saura seulement qu'il vient d'un lointain pays, joué par Lou Castel, l'acteur d'origine suédoise remarqué dans l'excellent "El Chuncho" de Damiani (1966) et apparu dans plus de 140 films.
Castel torturé par Salines
Celui ci devient le souffre douleur du dingo qui passe sur lui sa frustration sexuelle attisée par Maria et sa jupette à franges extra courte, ce qui donne lieu à quelques tortures sadiques et à un truc que je n'avais jamais vu en quelques centaines de westerns visionnés: un cheval qui vient au secours de son cavalier et mets hors d'état de nuire le tortionnaire, c'est digne de  Jolly Jumper !Tout ça finira dans une fusillade finale, ça défouraille de partout, la caméra devient folle  et nous aussi, avec en plus du heavy rock psyché en fond sonore. Un mot justement sur la musique : un élément important  signé Mario Migliardi, certains l'ont décrite comme la rencontre de Cream et du Grateful Dead,, j'y vois aussi et surtout la patte du rock progressif italien, celui de Balleto di Bronzo, Garybaldi, Biglietto Per Inferno etc, ce qui est sure c'est qu'elle est vraiment étonnante, à base de guitares saturées, fuzz, wah wah, tout y passe et colle bien avec la folie et la tension palpable.
Encore une idée scénaristique originale à la fin puisque Lou Castel pour se défendre sort de son sac des...boomerangs avec lesquels il est aussi adroit et rapide que Lucky Luke avec un flingue! Fallait oser!
Claudia Gravy

Ce "Matalo " ("Tue le ") est sans doute un des westerns les plus barrés jamais tournés, et même si c'est loin d'être un chef d'oeuvre, c'est une expérience à vivre pour tout amateur du genre.
Et comme toujours Artus (artusfilms.com)fait bien les choses avec en bonus un entretien avec le spécialiste Alain Petit (auteur de "20 ans de western européen") et un doc, "Rouge western", qui donne la parole  aux réalisateurs et acteurs qui ont fait le western italien.

Rockin "Buffalo" JL 

 

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