lundi 13 juin 2016

Tom KNOX – La malédiction du livre noir (2010) – par Claude TOON



- Et bien M'sieur Claude, elle n'est pas gaie la couverture du livre : rouge sombre, noire, un crâne… Pire qu'une pochette de Hard Rock gothique de M'sieur Vincent…
- C'est bien dans le style de l'ouvrage ma p'tite Sonia, ou comment gâcher un sujet en or avec une surenchère dans le morbide et la volonté de choquer…
- Tiens ! Bizarre de votre part. Il vous en faut beaucoup pour vous choquer, et en général vous n'écrivez jamais sur ce qui vous a déçu ?
- En effet, mais Tom Knox n'est pas le premier à céder aux appels des lecteurs avides de violence gratuite : sacrifices et tortures. Je souhaitais parler de cette dérive…
- Oui, je vois, je déteste aussi, je préfère les livres romantiques, les histoires d'amour, même si tout le monde se fout de moi, hi hi…
- Mais il existe de très beaux romans fleur bleue et je ne me rappelle pas avoir vu traîner un exemplaire de la collection Harlequin sur votre bureau ma belle…

Oui Sonia, je ne propose dans ce blog que des commentaires sur des musiques que j'aime, parfois des livres ou des films pour la même raison. Le Deblocnot' est un rendez-vous de passionnés, donc inutile de me fatiguer à flinguer d'une plume vitriolée des nanars musicaux (en classique, ça existe, bien entendu) ou des romans de gare à deux balles. Une exception : André Rieu, et encore avec une bonne dose de rigolade. Mais je constate depuis une décennie une dérive des romans d'aventures ou d'inspiration ésotérique vers un recours complaisant aux scènes de sadisme qui me laisse songeur… Avant de disserter sur ce phénomène, parlons de ce livre…

Je n'ai trouvé aucune photo d'un Tom Knox souriant ! Certains commentateurs d'un site web bien connu pense que cet auteur doit avoir l'esprit, disons… bien tourmenté. Ce portrait semble leur donner raison. Né en Angleterre en 1963, l'écrivain ne s'est tourné vers le thriller ésotérique et religieux que tardivement. La malédiction du livre noir (traduction fidèle de The genesis secret – Le secret de la Genèse) est paru en 2009. Depuis d'autres thrillers sont parus dont Le dernier rituel qui m'avait fait découvrir Tom Knox. Après des études de philosophie à Londres, il a sillonné la planète comme grand reporter. Les civilisations très anciennes et mal connues semblent dicter sa thématique. Là est le plus : un pan de l'archéologie qui change des pyramides, de l’Atlantide ou des embrouilles diaboliques au sein de la chrétienté et du Vatican.

Göbekli Tepe (- 12 000 ans !!!)
Le bouquin commence tambour battant. Londres au petit matin, un noceur bien éméché, attiré par des gémissements dans un dock désaffecté, découvre un pauvre gars bastonné, scarifié, le crâne écorché vif et la langue sectionnée ! Quand je vous dis que Tom Knox ne fait pas dans la dentelle… Il a échappé in extremis à la mort et à l'enterrement agonisant, grâce à une alarme de bagnole. Le malheureux, plus mort que vif, parviendra à rédiger le récit de son agression par des inconnus. Pour l'inspecteur Mark Forrester un mystère, une victime banale, sans ennemis connus !? D'autres crimes tout aussi atroces et, eux, menés à leur terme vont émailler cette affaire. Comme dans de nombreux thrillers, deux histoires vont se développer avant de se télescoper. Pour Mark Forrester, un point commun à ces horreurs : l'infinie cruauté des sévices et de la mise en scène, une étoile de David incisée sur la poitrine, par contre, jamais le même modus operandi comme on dit chez les profilers.
Pendant que les cadavres martyrisés s'accumulent, Rob Lutrell, journaliste correspondant de guerre se voit confier une mission cool par son rédacteur en chef qui prend soin de sa petite santé. Une mission plutôt insolite pour un bourlingueur de champs de bataille, effectuer un reportage sur l'un des sites archéologiques les plus étranges de la planète : Göbekli Tepe. Une cité mégalithique construite non pas à l'époque de l'essor de la Mésopotamie ou de l'Egypte ancienne, mais 12 000 ans avant JC, donc bien avant la découverte de la métallurgie, des papyrus ou de la poterie, à une époque où l'homme ne vivait que de chasse et de cueillette comme on lit dans les manuels scolaires !!!
Plus étrange, le temple et sa cité ont été enfouis volontairement 8 000 ans avant J.C. pour des raisons inconnues. Une découverte toute aussi fabuleuse que celle du trésor de Toutankhamon et pas du tout imaginaire (Clic). Découvert en 1964, l'endroit est inventorié depuis 1994 par les allemands. Ici l'imaginaire Franz Breitner, archéologue, accompagné de l'héroïne du roman : Christine Meyer, une scientifique française. La région n'est pas sûre, le Kurdistan est une zone de conflits larvés entre kurdes, turques et irakiens, plusieurs polices rivalisant de mauvaise foi et de corruption. (Le roman a été écrit avant la tragédie syrienne et l'émergence de Daech et témoigne de la misère subie par les communautés kurdes.)

Squelette de néphilim découvert en arabie !!!
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Rapidement le reportage tourne au vinaigre. Si Rob Lutrell sympathise promptement et coqueliquera (évidement) avec Christine, Franz Breitner est victime d'un accident mortel (accident ?) et les fouilles sont arrêtées au grand bonheur des autochtones qui considèrent les lieux comme sacrés. Des adorateurs des anges déchus continuant, dit-on, de pratiquer des sacrifices pour honorer un Dieu-paon d'un très lointain passé. Un peu trop curieux lors de l'enquête, Rob et Christine sont expulsés vers l'Angleterre après avoir risqué leurs peaux pour retrouver le carnet secret et codé de Franz Breitner.
De son côté, Mark Forrester, navigant de crime en crime, a fini par identifier le psychopathe de service : Jamie Cloncurry, rejeton dégénéré d'une dynastie irlandaise de monstres (amateurs d'orgies, criminels de guerre, etc.) La passion du gars et de sa petite secte d’illuminés : les rituels de sacrifices humains empruntés aux civilisations antiques : aztèques, vikings, inquisition, ce n'est pas ce qui manque. Et c'est là que le roman dérape vers le sordide et nous entraîne à la poursuite classique et hollywoodienne du Sérial Killer. Tom Knox ne nous épargne aucun détail des passions macabres de Jamie. Beurk, un concours de charcutage, d'éviscération et de vivisection, sans queue ni tête d'ailleurs sur le simple plan physiologique. Cerise sur le gâteau : ce cinglé kidnappe Christine et Lizzie, la fillette de cinq ans de Rob ! Bien entendu, les deux malheureuses seront la monnaie d'échange pour posséder le fameux livre noir qui fait enfin son entrée. Problème, personne ne sait où il se trouve, ce qu'il contient ni son rapport avec Göbekli Tepe ? D'après Jamie : une révélation à faire vaciller les acquis sur l'origine de l'humanité. Celle-là, on nous l'a déjà faite cent fois.
Entre la recherche dudit parchemin et les négociations via mails et webcam (pour mater les horreurs commises par Jamie et ses complices dans leur repère), le livre se perd dans des méandres policiers et le voyeurisme sadique qui nous écartent du sujet archéologique initial pourtant passionnant et original.

Fragment du Livre d'Enoch (manuscrits de la mer morte de Qumrân)
DDD
Je ne raconte rien de plus, hormis que le fameux livre noir n'en est pas vraiment un. En un mot, il prouverait avec authenticité que le livre d'Enoch restitue fidèlement un passage caviardé dans la version officielle de la Genèse. Le livre d'Enoch ? Un livre biblique apocryphe (reconnu par les créationnistes anti darwiniens) daté de -300 à +100 (texte retrouvé en partie dans les grottes de Qumrân) et racontant comment, après avoir été chassés par Dieu le père, les anges déchus engrossèrent des rejetons géants à Eve et la descendance d'Adam : les  néphilims, êtres diaboliques et mauvais qui mirent définitivement la pagaille noire dans le jardin d’Éden déjà mal en point, jardin qui se trouvait proche deGöbekli Tepe. Le petit fils d'Enoch, Noé noiera tout ce beau monde dans le déluge… Mais les sacrifices à ces "anges" des enfers auraient perduré, encore des rites atroces 200 pages pour en arriver là. La fin est d'une banalité affligeante, délayée et barbare.
- Si si Sonia, les néphilims ont bien existé, on a retrouvé un squelette de ces créatures au Moyen-Orient (Photo). Quant aux livres d'Enoch, j'illustre ce billet avec un fragment retrouvé avec d'autres manuscrits de la mer morte.

Des romanciers comme Thilliez, Chattam, Minier, Grangé, ou des films comme Le silence des agneaux ou Seven nous ont habitués à des mises en scène de crimes tordues et glaçantes, mais dans l'univers ciblé du polar très noir. Si on n'aime pas, on lit ou on voit autre chose, mais il n'y a pas tromperie. Dans un livre plus ésotérique qui possède tous les ingrédients aventureux et occultes rencontrés dans les ouvrages de Rollins, Brown ou Berry, ces cruautés gratuites n'ont pas leur place. Tom Knox, en voulant trop "épicer" son récit tombe dans le puits malsain pourrissant des séries de films pour apprentis pervers : Saw 1 à x, Hostel, etc. que je me refuse à voir. Dans le second livre lu : Le dernier rituel, même recette : en suivant les préceptes d'une civilisation précolombienne très ancienne, on se coupe les pieds, les mains, les c**s ou le tout pour s'attirer les bienfaits des divinités ! Charmant, mais répétitif. Je ne sais pas si je lirai un 3ème opus de Tom Knox
Reste néanmoins un thriller palpitant, plein de rebondissements et plutôt érudit. On ne peut pas tout reprocher à Tom Knox. Donc comme on dit : pour adultes sachant distancier en acceptant les longueurs…

Infos sur Göbekli Tepe (Clic)


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