vendredi 16 septembre 2016

DERNIERES CARTOUCHES de Cesare Battisti (1998) par Luccio B.


Le nom de Cerare Battisti ne vous est sans doute pas inconnu. En 2004, l’Italie demande à la France, où il est réfugié politique depuis 10 ans, de l’extrader. Levée de bouclier de ses amis écrivains, l’inévitable Bernard Henry Lévy, mais aussi Fred Vargas, débat mouvementé au sein du comité des ministres européens, prises de positions de la classe politique française, pour ou contre l’amnistie, l’ouverture d’un nouveau procès, ou le retour à la case prison.
Cesare Battisti avait été condamné par contumace pour quatre assassinats commis à la fin des années 70, en Italie. Il était membre de la PAC (Prolétaires Armés pour le Communisme) qui sévissait à partir de Bologne, durant les années de plomb. Condamné à perpétuité, il s’était enfui au Mexique, puis en France (promesse de Mitterrand qu'il ne serait pas livré à la justice italienne) où il commence une carrière d’écrivain. Quand la France accepte l’extradition, en 2004, il fuit à nouveau, vers le Brésil, où aux dernières nouvelles, il vit toujours.
DERNIERES CARTOUCHES est un polar fortement autobiographique, qui nous plonge dans les arcanes des groupuscules terroristes italiens. Battisti sait de quoi il parle.
Le livre est court, écrit à la serpe, dans la lignée de la Série Noire. Les premiers chapitres enchainent les évènements à la vitesse d’une bonne série B. Claudio et deux potes sont pris en chasse par la police après l’attaque foirée d’un fourgon blindé. Ils abandonnent la voiture, gagnent une ancienne station d’épuration, plongent dans les bassins, rampent dans les tunnels, les broussailles, en sortent à la nuit, épuisés, stoppent une Vespa triporteur, menacent le conducteur et le contraignent à planquer chez lui quelques jours.
Claudio, dont un des complices s’est fait chopper par les flics, sait qu’il ne peut pas rester éternellement sur place. Il prend le train jusqu’à Milan, et avec l’aide de filières gauchistes, entre en clandestinité.
Le bouquin va suivre le parcours de Claudio, qui renoue avec d’anciens complices, réactive le réseau, et s’attèle à de nouveaux actes terroristes. La lutte armée est la seule qui vaille pour déstabiliser l’Etat, empêcher sa dérive fasciste. On va croiser plein de personnages, idéologues, hommes d’actions, pasionarias, et surtout se perdre dans les ramifications nébuleuses d’organisations plus au moins liées par le même idéal, mais concurrentes, voire, ennemies. Battisti s’en amuse parfois, alignant les sigles de sous divisions des Brigades Rouges, fédérations maoïstes, trotskistes, où l'on croise des extrémistes du plasticage comme de la macrobiotique.
Planques, filatures, fabrications de faux papiers, préparations d’attentats, trafic d’armes, et au bout toujours la fuite, et la solitude. C’est ce qui transpire dans ce livre. L’impossibilité – dans ce métier-là – de s’attacher. Il faut être toujours en mouvement, prêt à déguerpir, jamais à l’abri d’une descente de police, ou d’une trahison. Les femmes ? Il y a celles des autres, après tout, on est tous frères de résistance... Battisti écrit de belles pages sur Claudio errant dans les villes, les rues, les bars, sans pour autant en faire un héros romantique. L’auteur, 15 ans plus tard, dit toujours assumer son passé, politiquement.
Les choses se corsent après l’assassinat d’Aldo Moro, ancien président du conseil italien. La police, les services secrets ont alors carte blanche pour éradiquer les terroristes. Infiltrations, arrestations, tortures, exécutions. Chaque groupe tente de sauver son pré carré en dénonçant le voisin, et en se radicalisant un peu plus. Claudio est un homme qui compte maintenant, c’est lui qui organise les coups, un hold-up dans un hôpital, l’enlèvement d’un directeur de prison. Ca foire. Le mec est abattu comme un chien. Ca ne sert à rien, mais le symbole est là. Le fonctionnaire représente l’Etat, une raison suffisante pour mourir.
Le vent tourne. Comme le dit Claudio, le temps où il suffisait de frapper à une porte pour y trouver un ami est révolu. Trop d’interpellations, de procès, de morts… et de repentis.
DERNIERES CARTOUCHES se lit vite, et bien. Le style est précis, va à l’essentiel, pas de gras sur l’os. Avec toujours en tête, derrière le récit mouvementé de braqueurs, les rencontres, les amitiés, l’idéal politique, la lutte contre les injustices et la corruption, que cette fiction n’en est pas vraiment une, et que dans la vraie vie, les morts ne se relèvent pas à la fin.  

        

1 commentaire:

  1. J'ai lu "Ma Cavale" du même Cerare Battisti, j'avais apprécié. Mais comme tu le dis si bien en conclusion "les morts ne se relèvent pas à la fin" c'est pourquoi il faut savoir garder le recul nécessaire avec ce genre d'ouvrage et ne pas être tenter de sacraliser un parcours où il y a quand même des assassinats pas très glorieux.

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