mardi 27 septembre 2016

LA CHRONIQUE QUI PROVOQUE UNE ÉMEUTE !


Watts 1965
Vous l'avez surement entendu aux infos, ça barde à Charlotte (Caroline du Nord) après la mort de Keith Lamont Scott, afro américain de 43 ans, abattu par la police, victime d'une bavure policière, ce qui n'a pas manqué de provoquer  de violentes émeutes raciales. Les versions contradictoires affirment qu'il avait une arme en main. Ça c'est selon  la police, alors que pour les témoins, il s'agirait... d'un livre. Enquête en cours. Mais ce qui est sûr, c'est que les blacks descendus par des policiers à la gâchette facile est une tradition chez l'oncle Sam... et les émeutes qui s'ensuivent généralement aussi. L'histoire récente des États-Unis est truffée de ces embrasements des quartiers (ghettos ?) noirs suite aux tirs en légitime défense de policiers armés comme Rambo sur de dangereux individus les menaçant d'une lime à ongles ou de criminels ayant grillé un feu rouge. Parmi les plus spectaculaires rappelons nous de Watts (quartier de LA) (Août 1965, 34 morts, suite à l'arrestation musclée d'un automobiliste noir), Newark (New Jersey) (26 morts suite à une altercation), Detroit (1967, 43 morts suite à une opération policière), en 1968, 46 morts dans tout le pays suite à l’assassinat de Martin Luther King, Miami (1980, 18 morts suite au tabassage à mort d'un motard black par la police), L.A. puis sur tout le territoire en 1992 suite à l'acquittement des 4 policiers blancs qui avaient buté Rodney King, 59 morts, Cincinnati (2001, 70 blessés suite à la mort de Timothy Thomas, jeune black de 10 ans non armé et suite à une poursuite) ;  la liste complète de ces événements serait bien longue.

Nina
Évidemment  les artistes issus de la communauté noire (et pas que) ne pouvaient rester insensibles au sujet, faut dire que la lutte contre le  racisme et pour l'égalité des droits sont des fondements de la black music, je ne vais pas ici vous refaire l'histoire de l’esclavagisme et des champs de coton..
Par exemple : Nina Simone et Odetta (clic) se sont beaucoup investies dans le mouvement de défense des droits civiques et bien d'autres ont joué un rôle dans la levée (sur le papier du moins) des barrières ségrégationnistes dans les années 60.

Les titres faisant références à ces émeutes et plus généralement aux maux dont souffrent  les  afro-américains  sont légions, nous allons en recenser quelques uns. Luc nous a déjà parlé ici du fameux "Strange fruit" enregistré par  Billie Holliday (1939) et repris par Nina Simone, texte qui évoque les pendaisons de nègres dans les états du Sud ("strange fruit").
Certaines chansons  sont étroitement associées à ces poussées  de contestation  comme le traditionnel "We should not be moved" que les militants chantent pour se donner du courage ("nous ne bougerons pas/ nous combattons pour notre liberté/ nous combattons pour nos enfants/ jeunes et vieux réunis, noirs et blancs réunis/ nous ne bougerons pas") ; un titre parfaitement illustré par les événements de Greensboro en Février  1960. (Pour protester de façon non violente contre la ségrégation, 4 étudiants noirs  s'installent au bar de la cafeteria du magasin Woolworth interdite aux noirs et y restent, le mouvement fait tache d'huile jusqu'à la victoire). "We should not be moved" sera notamment enregistrée par Pete Seeger, Joan Baez, Mavis Staples, Son House, Mississippi John Hurt, Johnny Cash et Public Enemy. "A change is gonna come" chante Sam Cooke en 1964 mais ce changement va venir dans la douleur.
En 1967, John Lee Hooker  fait directement référence aux émeutes de Detroit dans "Motor city is burning" , à noter que le titre sera adopté tout de suite par  MC5, gang de révolutionnaires proto-punk, qui en fait un brûlot révolutionnaire ("Detroit est en train de cramer baby/ et rien ne peut l’empêcher les mecs/ Detroit est en train de cramer/ et la société blanche ne peut l'éviter/ ma ville est en train de brûler totalement/ c'est encore pire qu'au Vietnam/ Detroit est en flamme/  et je ne vais rien faire pour éteindre l'incendie/ je voudrai juste craquer une allumette pour les libertés/ je suis peut être un petit blanc/ mais je peux être mauvais moi aussi").

Le 4 Avril 68 marque un tournant dans la lutte, avec l'assassinat de Martin Luther King. Le ton se durcit, les Black Panthers marquent leur territoire et l'image de Tommie Smith et John Carlos le poing levé ganté de noir sur le podium du 200 mètres au JO de Mexico demeure une des plus marquantes du 20ème siècle. C'est cette même année que James Brown s'implique avec son fameux "Say it loud, I'm black and I'm proud" ("Dites le  fort, je suis noir et j'en suis fier").
En 69, Sly & the  Family Stone incitent à la résistance avec "Stand!" et en  71, la tribu funk sort l' album "There's a riot goin' on", titre qui donne réponse au   fameux "What's goin'on?" de Marvin Gaye sorti 6 mois plus tôt et dans lequel Gaye se demande ce qui arrive à son pays suite à une répression policière sur un campus. Gil Scott-Héron s'attaque en 72 aux brutalités policières dans 'No knock" : 'Ils n'ont pas frappé quand ils ont pénétré chez mon frère Fred Hampton pour tirer partout" (Hampton était un  leader des Black Panthers, abattu chez lui par le FBI).

Au milieu des années 80, c'est le rap qui prend la place du blues et du rock comme vecteur de revendications, et le ton va être très violent. Ainsi NWA (Niggers With Attitude - "nègres avec un esprit") dont sont issus Ice Cube et Dr Dre sort en 88 le brûlot "Straight outta Campton" qui prend à partie la police raciste et violente de L.A. Un titre en particulier met le feu aux poudres "Fuck the police" qui leur vaudra  censures et plaintes au cul de la part du FBI ("aux flics je dis : allez vous faire foutre connards /ils me lisent mes droits, c'est des conneries/ ils font partie d'un club de débiles / ils sortent jamais sans leur putain de badge et un flingue à la main/ tombe le feu et tu verras ce qui se passera/ on va se ruer dessus et te vais te bousiller".)
En 1990 Public Enemy enfonce le clou avec "Fight the power" : "notre liberté d'expression c'est la liberté ou la mort/ nous devons combattre le pouvoir actuel/ le pouvoir au peuple et sans délai")  et Body Count va encore plus loin . Le groupe de métal/rap/hardcore mené par Ice T balance "cop killer" en 1992. Georges W Bush s'en mêle et le titre est finalement retiré de l'album, faut dire qu'il tapait fort: "Tueur de flics!/ mon fusil à pompe est chargé/ je vais réduire quelques flics en poussière/ je suis un tueur de flics, plutôt toi que moi/ j'emmerde les brutalités policières/ j'emmerde la police , pour Rodney King / j'emmerde la police, pour ta liberté".   Ice T que l'on retrouvera plus tard dans la peau d'un flic dans la série New York unité spéciale.....  

La même année Rage Against the Machine, chaînon manquant entre Led Zep et Public Enemy, donne un sacré coup de pied dans l'establishment  avec leur monstrueux premier album et les textes engagés (enragés) de Zack de la Rocha (lire la chronique de Philou), le premier titre "Killing in the name of" n'est pas tendre avec les forces de l'ordre: "certains de ceux qui travaillent dans la police sont les mêmes qui brûlent des croix (allusion au Klu Klux Klan) / vous justifiez ceux qui sont morts  par le port de l'insigne/ et parce que vous êtes les élus blancs/ allez vous faire foutre/ je ne ferai pas ce que vous me dites de faire !".
Même le Boss s'y met ! Bruce Springsteen en 2001 avec "American skin(41 shots)" dénonce la mort d'Amadou Diallo, tué de 41 coups de feu  alors qu'il tend aux policiers son... portefeuille.
Et on termine cette petite revue avec Prince qui, en 2015, signe "Baltimore" en l'honneur de Freddie Gray, jeune noir mort dans un commissariat de Baltimore en Avril 2015, ce qui entraîna de fortes tensions raciales, "Sans justice il ne peut y avoir de paix" chante alors  le regretté Kid de Minneapolis.


On se quitte avec une note d'espoir signée de l'humoriste américain Donald Trump : "les noirs ont tellement apporté et se sont sacrifiés tellement pour ce pays ; beaucoup de noirs réussissent très bien dans notre pays et je vais faire en sorte qu'on protège et soutienne leur réussite. Mais en même temps beaucoup d'entre eux ont été laissés dans la pauvreté (sous entendu par les démocrates), je vais donc faire en sorte que chaque enfant noir puisse accéder au rêve américain" .
On y croit Donald, on y croit, mais c'est pas gagné....

ROCKIN- JL


2 commentaires:

  1. Un Noir avec un livre? A qui va-t-on faire croire ça? En juillet 1980, j'ai eu la bonne idée d'atterrir à Miami en plein milieu des émeutes. Location d'une bagnole à l'aéroport, direction centre ville, mais bloqué par les flics assez vite et demi-tour, le temps d'apercevoir quelques feux de joie. Pour m'être fait arrêter une fois pour excès de vitesse aux Etats-Unis, je confirme qu'ils semblent avoir la gâchette facile: j'ai eu un peu peur de me faire plomber quand j'ai voulu jouer le numéro du touriste qui ne s'est rendu compte de rien. Après un "stay sitten in the car" la main sur la crosse, je suis resté le front sur le tableau de bord avec les deux mains en l'air. J'imagine quand tu es Noir et que tu bouges. Pour être juste, ils peuvent être très sympa. Je m'étais arrêté une fois pour dormir sur un parking de supermarché un peu craignos (hôtels trop chers), réveil à la torche par le shérif du coin, qui après vérification, a fait faire des rondes régulières pour voir si tout se passait bien jusqu'au matin.

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  2. Faut dire aussi, quelle idée de faire un excès de vitesse aux États Unis ! Trafique de la dope, braque des banques, refile de la fausse monnaie, insulte Obama, mais quand on te dit "limité à 40 miles" tu fais pas du 42 !

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