vendredi 28 octobre 2016

DURANGO ENCAISSE OU TUE de Roberto Bianchi Montero (1972) par Luccio B.


Je ne dis pas que c’est mauvais, mais... Quand on voit les grandes réussites du genre - et il y en a pas mal - on surplombe le gouffre qui sépare les fruits juteux des fruits chopis.
Oui, chopi… (ou chope) terme désignant dans le patois poitevin un fruit blet, trop mûr, visiblement utilisé uniquement dans la famille B. (c'était la minute culturelle, parce que ce qui va suivre...)
Bref, là, on parle de DURANGO ENCAISSE OU TUE, de Roberto Bianchi Montero. Acteur et réalisateur italien, dont le palmarès regorge de SEXY NUDO, AFRICA SEXY, NUITS CHAUDES DE CALIGULA, quand ce ne sont pas celles de LUCRECE BORGIA. Y’a aussi des SEPT COLTS POUR LE GRINGO, quelques DJANGO, et donc, ce DURANGO. Qui par extension est aussi une série de BD d’Yves Swolfs, une marque de santiags, mais aussi une ville en Espagne, un état du Mexique, un bled du Colorado, un joueur de baseball (deuxième minute culturelle).
Il y a souvent dans les petits westerns italiens un réel plaisir de spectateurs, même dans les productions les plus fauchées, quand le réalisateur fait preuve de créativité, qu'il ose des trucs, des plans, même improbables. Chez Montero, y’a rien ! Ca confine au génie, le moindre truc prend l’eau ! Et quand y’a un vrai travelling, c’est tellement incongru qu'on ce dit qu'est ce que ça fout là ! (l'entrée de Durango dans le bar, à Tucson).
Sur le papier pourtant c’est loin d’être la cata. Le scénario vaut ce qu’il vaut, mais y’a de l’idée. Durango est un chasseur de prime spécialisé dans les créances. Il récupère du fric, prend 10% en guise d’honoraires. Le réalisateur nous montre donc Durango en action, pour bien qu’on comprenne son mode de fonctionnement. Et sa grande phrase est « tu as 10 secondes, après je tire ». 10 secondes… 10%. Cohérent. Sauf que c'est tellement mal amené, raconté, qu'on ne pige pas que ce sont des flash-back.
Durango débarque ensuite à Tucson, et corrige deux mecs qui rackettent un barman. Ils bossent pour Fergusson, le banquier, qui fait des crédits d’un an, mais exige son fric le mois suivant, avec intérêt, pour bien éponger ses concitoyens. Un vrai salaud. On reconnait-là une constance du western spaghetti, la lutte des sans grades, généralement paysans, contre les notables capitalistes. Fergusson tente de se mettre Durango à la poigne, lui demande de récupérer pour lui 80 000 dollars que lui a volés El Tuerto, un filou mexicain, aussitôt mis en taule par le shérif. Le shérif étant aussi corrompu que le banquier est véreux, Durango se retrouve lui aussi en cellule. Il fomente avec El Tuerto une vengeance aux p’tits oignons…
C’est filmé plan-plan, sans imagination, à grands coups de zoom, de cadres approximatifs, la caméra pourrait être posée ici ou ailleurs ça ne changerait rien, aucune atmosphère particulière ne se dégage des décors. Sur une des scènes finales, l’attaque d’une diligence sur le départ avec 800 000 dollars dans une caisse, les bandits font diversion avec une (fausse) famille de lépreux. Genre, écartez-vous, on arrive et on est contagieux. C'est pas con. Roberto Bianchi Montero va-t-il en tirer une séquence horrifique, fantastique, inquiétante ? Non. Il filme son truc en mode tiédasse, à tel, point qu'on se dit : qu'est ce qu'ils foutent là ces lépreux, en plein Tucson ?! Allez, on sauve l'image du méchant tué et tombant sur une croix (voir l'affiche). C'est tout.

Les acteurs sont évidemment calamiteux. Durango est joué par Brad Harris, un culturiste américain qui a officié autant dans MAIGRET VOIT ROUGE, avec Gabin, que dans HOLOCAUSTE NAZI, HERCULE SE DECHAINE, LADY DRACULA, et même dans un épisode de DERRICK. Ce qu’on appelle un acteur multitâches, tâche étant le mot qui convient. Brad Harris a le regard aussi inexpressif que ses abdominaux sont saillants. Pas possible, ce sont des implants ! Le réalisateur va-t-il exploiter la musculature de Durango ? Même pas. On voit dormir le gus torse nu 3 secondes à peine. La fille de l’hôtel, une blonde genre scandinave (normal, à Tucson), qui lui retire sa chemise pour soigner une blessure, ne devrait-elle pas s'émouvoir de la virile carcasse, trouver un prétexte de tâter du pectoraux ? Nib ! Rien !

D'ailleurs ce plan est fabuleux, parce qu'on voit très bien le sang sur la chemise de Durango, au niveau du bras, mais la fille ne soulève que le col, concluant en experte : c’est rien, juste une égratignure ! Et Durango, vous pensez qu’il va la chauffer un peu la teutonne (Gisela Drenkhan, actrice allemande) ? Nib bis ! Eunuque !
Le méchant Fergusson (Gino Lavagetto) n’a aucune aura machiavélique. Il doit être cruel, cynique, sadique... il est juste inexistant. Une ombre. Un pantin. El Tuerto est joué par José Torres, un vétéran du genre, la caricature du mexicain rigolard, s’esclaffant des heures entre chaque réplique. Pénible. Le personnage est pourtant malin. Ancien des transmissions dans l’armée, il connait le morse, espionne le télégraphe pour se mettre au courant des bons coups.
Le pire, ce sont les dialogues. De deux choses l’une : soit ils sont effectivement nuls, soit c’est la traduction qui déconne (un même extrait en VO et VF le confirme). On sait que les films italiens étaient souvent post-synchronisés, les acteurs jouaient en yaourt, et selon le pays de distribution, on doublait les dialogues. Il faut donc couper dans la matière, ou étirer les répliques en abusant de monosyllabes : ah, oui, bien, c'est vous, je, euh, mmm, quoi, enfin, voyez... L'indigence des dialogues a pour directe conséquence de faire passer le personnage qui les récite pour un con !
Exemple ? Durango vient reprendre une dette de poker à un gars. Je dis "poker" mais la VF n'en fait nullement mention... Bref, le type hésite à payer. Durango lui dit : « allez, décides-toi ». Le seul problème, c’est qu’à l’image, le gars a déjà sorti son portefeuille pour payer ! Tout sonne faux.
J’adore les westerns, américains ou italiens peu importe, classe A ou série B, du moment qu’il y ait du cinéma. Là, y’en a pas. Il s'agit de produire de la bobine en série, impressionner de la pellicule en balançant des colts, deux canassons, trois gueules tordues. Chez Duccio Tessari, chez les 3 Sergio, Sollima, Corbucci, Leone, il y a de quoi se mettre sous la dent. Là, on est chez les sans–dent.




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5 commentaires:

  1. Enfin de compte, le film à éviter...! A quand une chronique sur "L'attaque des tomates tueuses" (Attack of the killer tomatoes - 1978), ou l'attaque de la moussaka géante (Η επίθεση του γιγαντιαίου μουσακά - 1999) ? Avec ta manière de disséquer un film, je rigolerais comme pour Durango ... !

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  2. C'est gentil, Pat, mais je préfèrerais sans doute chroniquer (et donc regarder) de bons films !! Tu irais faire un article sur un disque de David et Jonathan, toi ?!!!

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  3. Pas faux ! Mais pas David et Jonathan, plutôt Début de soirée !! :D

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  4. 0,10€ sur eBay ? 2 euros le pack de 8 dvd au Prisu du coin ?

    Euh, sinon, t'as pas des 06 de filles genre avec le chapeau à fleurs au milieu à droite de ton post ?
    Réponse discrète souhaitée ...

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    1. Tu nous écris au Déblocnot, au service "recherche 06 de blondes bucoliques", avec enveloppe timbrée pour la réponse. Si le mec du service courrier ne se plante pas avec la liste des 06 de bassistes prog chevelus, ça devrait le faire...

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