vendredi 7 octobre 2016

MASSACRE A LA TRONCONNEUSE de Tobe Hooper (1974) par Luc B.



Il y avait eu deux ans plus tôt LA DERNIERE MAISON SUR LA GAUCHE de Wes Craven (1972), mais on considère MASSACRE A LA TRONÇONNEUSE comme le père de tous les slashers, un genre en soi, le film d’horreur qui propose autant de litres d’hémoglobine que de hurlements hystériques, si possible de jeunes filles en shorts qui courent affolées dans les bois.  

Tobe Hooper, au centre
Le film de Craven distillait un parfum plus vicieux, il y avait des meurtres mais surtout une vengeance, des victimes devenues bourreaux, une justification à la violence. Avant cela, le PSYCHOSE d’Hitchcock relevait de l’horreur mais surtout de la psychanalyse. On tentait d’expliquer. Le film de Tope Hooper (honnêtement son seul fait d’arme, avec POLTERGEIST qui avait bien marché en 82) est d’autant plus impressionnant, que sa sauvagerie est totalement gratuite, c’est comme ça et pis c’est tout. Les barbares n'ont pas de nom, encore moins de motivations. On notera d'ailleurs que le sexe n'y a aucune place, ingrédient habituellement ad hoc.  

Le film est inspiré d’un fait divers sordide, les dépeçages et autres actes de nécrophilie perpétrés par Ed Gein, le Boucher du Wisconsin, en 1957. La production est minimale (le projet étant sulfureux, c’est le producteur de GORGE PROFONDE qui avance le blé), mais le petit budget permettait quand même de louer quelques rails de travelling, dont Tope Hooper se sert à l’économie, mais bon escient. La bande son est rudimentaire, de la musique issue de postes de radio, le moteur de la fameuse tronçonneuse : on rogne sur tous les coûts. Peu d’acteurs, et de moins en moins nombreux au fil du tournage… 

Le prétexte est simple : Franklin, sa sœur Sally et trois potes, partent en vadrouille au Texas, sur les traces d’une maison de famille, profiter du bon temps. Ils traversent un bled paumé, et patatras, panne d’essence (le chauffeur du van rappelle un peu un Ray Manzarek plus joufflu). Le climat est anxiogène dès le début (musique sombre et images d'éruption solaires), un vieil édenté vocifère : « Vous riez d’un vieil homme, vous ne rigolerez pas longtemps », le montage coupant alors sur des images d’abattoir… Puis c’est un cuistot au râtelier pourri qui recommande « N'allez pas faire les idiots dans une maison abandonnée ». Sage conseil. Il y aura un auto-stoppeur débile et pustuleux, des colifichets autour du cou, adepte du coup de rasoir. Une galerie d’autochtones dégénérés, qui n’ont rien à envier à ceux de DELIVRANCE de John Boorman.

les joyeux drilles
Une scène dénote. Le club des cinq investit une vieille baraque, les deux couples à l’étage, à batifoler, pendant que Franklin reste en bas. Et pour cause : il est en fauteuil roulant. Franklin, au début débonnaire, pique une crise. On le laisse seul. Son visage se crispe, un masque horrible (comme celui de l’écrivain paralysé dans ORANGE MECANIQUE) déformé par la colère. Comme si le cercle d’amis se brisait, signe avant-coureur du drame à venir.

A la faveur d’une ballade en amoureux, Kirk et Pam se retrouvent sur une propriété. Et si on entrait… Ben voyons. Beau travelling qui recadre Pam (et son p'tit cul moulé dans un short) sur une balançoire, Kirk qui pénètre dans la maison, à priori inhabitée. « Anybody home ? ». Et ça commence. Le premier meurtre nous prend par surprise, en deux secondes, boum, crâne fendu, pas un bruit, pas un son, et vlan, une porte métallique se referme sur ce qu’on ne devine pas encore, et le plan qui s’attarde. L’imprudente Pam finira quelques minutes après sur un crochet à boucher. Et surtout cette Image bizarre et monstrueuse de cette grosse poule enfermée dans une cage à oiseau.

On connait la recette. Jerry et Franklin ne vont pas tarder à finir en gigot. Là où le film vire à la sauvagerie, dans son dernier tiers, c’est lorsque les protagonistes se liguent pour martyriser Sally. C’est complètement malsain. Tope Hooper réussit de beaux plans, longs parfois, fixes, celui du palier, cadrant en panoramique la cage d’escalier puis la cuisine, le jeu de profondeur avec les encadrements de portes, Sally ligotée au premier plan. Certaines images et décors rappellent le futur SILENCE DES AGNEAUX : la maison de Buffalo Bill.

Le pire arrive avec le grand père suçeur de sang. D’ailleurs, avec sa peau ridée et livide, presque en décomposition, on pense au DRACULA de Coppola, voire à l’Empereur de STARS WAR ! Sally sera tourmentée, suppliciée pour distraire le grand père moribond, mais désireux de participer au festin. La scène du marteau est longue, longue… Qui dit grand Pa, dit grand Ma, embaumée dans son rockingchair, comme la maman de PSYCHOSE...

Sally court, rampe, saute, en hurlant à pleine gorge. L’actrice a été sérieusement malmenée par son réalisateur, le tournage a été éprouvant, Tope Hooper a filmé en continu beaucoup de matières. Il en a laissée un peu trop au montage, je trouve, la poursuite s’éternise, mais cette bande son constituée de cris et de vrombissements de tronçonneuse est saisissante.

La scène finale est très réussie (le routier) et le film se referme sur une image restée célèbre, celle de Leatherface, le maniaque de la Black & Decker, valsant dans le coucher du soleil avec son engin de mort, son masque de peau sur le visage. On dit que l’acteur Gunnar Hansen ne se mélangeait pas au groupe, attisant la frayeur du personnage, le réalisateur en remettant une couche pour tisser avec sa troupe des relations exécrables, comme de les faire patauger dans des tripes putréfiées et nauséabondes (tournage en été, 45 °C à l'ombre...).

Premier d’une longue série, ce MASSACRE A LA TRONÇONNEUSE originel est évidement le meilleur. Epoque oblige, on y a vu une parabole de l’Amérique des années Nixon coupée de ses idéaux, repliée, violente, sacrifiant sa jeunesse au Vietnam. A mon sens, la portée socio-politique est un peu limitée, au contraire du film de Wes Craven plus ambigu, ou des Zombie de Romero. MASSACRE est avant tout un spectacle premier degré, conçu pour être le plus éprouvant et choquant possible (c'est réussi), créer le "buzz" (jusqu'où peut-on aller) et permettre à son auteur de sortir du bois. Prévenir le spectateur par un encart qu’on assiste à des actes aussi vrais qu’abominables, excite encore plus les papilles. Sauf que, et c’est le grand paradoxe du film : on ne voit jamais ni moignons sanglants, ni tripes à l’air, têtes qui roulent ou membres coupés…Tous les actes violents sont hors champs.

Le scandale devait faire recette, et c’est ce qui s’est passé. Malgré un prix à Avoriaz, le film de Tope Hooper a été interdit dans de nombreux pays, classifié X, y compris en France jusqu’en 1982. Il jouit aujourd'hui d'un statut de film culte, mais prenez garde, car 40 après, il reste traumatisant.

The Texas Chainsaw Massacre (1974)
couleur  -  1h25 -  format 1:1.85
          



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14 commentaires:

  1. Je l'ai revu il y a peut de temps et bien....j'ai toujours autant de mal à aller jusqu'au bout !

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  2. ça fout les j'tons ! J'vais pas réussir à dormir ce soir ! (c'est malin !)
    Déjà qu'en 1975, j'avais eu du mal à m'en remettre, avec seulement quelques extraits à la télé.

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  3. C'est quoi ce film, "George Profond" ?

    Sinon, j'avais bien apprécié le remake (de 2003 ?). Plus inquiétant parce qu'une partie de la population semble de connivence.

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  4. Le producteur de "Gorge Profonde" avec Linda Lovelace, c'est lui qui a avancé le fric ??? Sa devait être un versement en liquide !!

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  5. Pas vu, car pas amateur du genre. Mais écouté une émission spéciale de Mauvais genres (France culture, il y a quelque temps, consacrée au film, à l'occasion de sa ressortie en DVD. Intéressant.

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    1. Je suis adepte de la théorie des genres : western, polar, musicals, horreur, porno, péplum, drame... Et c'est pas le pape qui me dira quoi regarder !

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  6. Je me souviens d'un interview à la télé de Tobe Hooper à la sortie de Poltergeist (par Manoeuvre ou De Caunes, j'sais plus), où il déclarait entre autres que son disque préféré était Let it bleed des Stones ... et c'était peut-être pas une vanne, il avait l'air bien rock'n'roll, Hooper ...
    Sinon, c'est très bien Texas chainsaw massacre, excellent film "de genre" comme ils disent maintenant. Moins pervers, flippant et violent (ah , le dégénéré chauve au look de chanteur de Midnight Oil qui se fait bouffer par un clebs, ça c'est du cinoche ...) que La colline a des yeux de Wes Craven sorti qqs temps plus tard et qui reprend à peu de choses près le même scénario et les mêmes thématiques...

    Euh, tu comptes le montrer à tes gosses, celui-là ?

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    1. Pfff... les mômes... une tronçonneuse ce n'est pas assez sophistiqué pour eux, il leur faut des lasers ou des dragons cracheurs de feu.
      Pas vu "La colline a des yeux", qui est un must... C'est celui-ci où y'a une scène avec une araignée ? C'est rédhibitoire : je peux pas. Les gamins m'avaient offert le dvd de "Arac attaque, les monstres à huit pattes" (!!!). je n'ai que partiellement profité de mon cadeau, Le reste du temps je quittais la pièce...

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    2. Serais tu Arachnophobe Luc ? Alors tu n'as pas du regarder "Microcosmos". Comme thérapie, je te conseille de te faire l'intégral de "Spiderman" et ensuite un petit truc léger "Le petit monde de Charlotte" un film "cochon" avec une araignée ! ^^

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  7. Toujours pas vu cette horreur. Une erreur Luc ? Tout comme les 6 Saw (ou saucisses c'est selon) et autres Hostel ou je ne sais quoi.
    Moi quand ça tranche, faut que se soit au minimum de l'art.

    On verra... Plus tard.

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    1. Saw ? J'ai adoré toute la série. Tu dis que "quand ça tranche, faut que se soit au minimum de l'art", perso, je trouve que se devrait être à la tête de l' art ! ^^ Dans un autre style, j'ai bien aimé "Ring" le film japonais d'Hideo Nakata en 1998 alors que je n'ai pas aimé le remake américain avec Naomi Watts

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    2. Les "saw" j'ai rien pigé, trop sombre, glauque, trop cérébral, ça ne m'a pas intéressé. "Hostel" est à mon sens beaucoup mieux, plus malin qu'on le croit, ludique, potache, inquiétant, mais attention, c'est d'une sauvagerie et d'un sadisme incroyable. "The Ring" fait peur, mais ce n'est pas filmé dans une boucherie...

      Vincent, si tu n'aimes pas ce genre, passe ton chemin... Y'a d'autres choses à voir tout de même dans la vie !

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  8. je craint en effet de ne pas aimer du tout. Tout ce qui relève du sadisme et de la torture me met toujours super mal alaise, donc...

    Luc justement, je suis aller voir récemment le nouveau Xavier Dolan "Juste la Fin du Monde". Ben c'était aussi une horreur a sa façon !

    Vais en dire deux mots ici très prochainement d'ailleurs. Paf !

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