lundi 28 novembre 2016

CRIMINAL LOFT d'Armelle Carbonel (2015) par Luc B.



Avec un titre et une idée pareils, on aurait pu s’attendre au pire. Surtout que l’auteur, Armelle Carbonel, a été cornaquée par Maxime Chattam, qui a apparemment relu et annoté le manuscrit. Et Chattam en caution littéraire, on fait mieux…

Et pourtant, voilà un thriller de bonne facture, qui, s’il s’essouffle tout de même un peu parfois, tient la distance. Le principe est simple : 8 condamnés à mort (le roman est français, mais l’action se passe aux USA) sont tirés au sort pour participer à une émission télé réalité. Le gagnant sera libéré, les 7 autres retourneront dans le couloir de la mort.

Le vrai "death tunnel"... brrrrrrrr
Les candidats sont une belle brochette de sociopathes, psychopathes, meurtriers en série, violeurs, dépeceurs et autres joyeusetés. Il y a deux femmes, Lynda et Aillen, et aussi Terrance le Chétif, James le zozoteur, Wallace le pédophile… Le plus célèbre du groupe, le plus craint aussi, est John Natas, 25 victimes à son tableau de chasse. Il est le narrateur de l’histoire, personnage principal. Il est celui auquel on devrait logiquement s’identifier, qu'on devrait supporter dans son épreuve, qu'on aimerait voir gagner pour recouvrer la liberté... alors qu’il est une des pires ordures qui soit.  
Les règles du jeu sont calquées sur ce que la télé réalité fait de mieux (de pire ?) dans le genre : élimination des candidats toutes les semaines lors d’un grand direct télévisé, le vote du public, résumé quotidien forcément manipulé, caméras et micros dissimulés partout, chambre secrète (la n°502), gages divers, épreuve d’immunité, voix off… Ce qui change un peu, c'est la présence de deux gardiens, pas francs du collier, surnommés Laurel et Hardy chargés de faire régner un semblant de discipline.

Le jeu se déroule dans un sanatorium désaffecté, Waverly Hills. Je pensais que c’était un lieu inventé pour la circonstance, mais il s’avère que la bâtisse existe, comme le death tunnel dont on parle beaucoup dans le livre, près de Louisville dans le Kentucky. Un établissement fermé depuis 1962, pour cause d'expérimentations médicales sur des tuberculeux, cas de maltraitance, et qui dit-on, serait l’endroit le plus hanté du monde ! Ces rumeurs savamment dissipées par la production du jeu, et quelques psychotropes dissimulés dans la nourriture, propices aux hallucinations, et il n’en faut pas plus à certains candidats pour virer parano.

On pouvait aussi craindre un récit particulièrement sanglant et glauque, un festival d'horreurs comme en sont friands certains romanciers en manque d'idée. Il n’en est (presque) rien. Parce les protagonistes n'ont pas le droit de révéler leurs crimes aux spectateurs ou aux autres candidats, c'est une des règles du jeu. Le lecteur en donc est réduit aux suppositions. Mais qu'on se rassure, on n'a pas affaire à une bande d'enfants de chœur...

Le roman est davantage axé sur des confrontations, alliances, tromperies, doubles jeux… Il y a un côté Cluedo, "Dix Petits Nègres" d’Agatha Christie, éliminations obligent, et pas forcément celles du prime time télévisé ! Car il ne faut pas oublier que ces candidats sont de redoutables prédateurs, et que le naturel revient vite au galop… Les pulsions sont muselées, un certain temps en tout cas…

Il y a un second suspens dans ce livre, sur l’origine même du jeu, et de la production télé qui l'organise, en définit les règles. Un personnage (très longtemps) anonyme, la fameuse voix, qui avec ses écrans de contrôle et les micros planqués partout, orchestre cette macabre représentation. Et qui entretient visiblement quelques complicités dans le sanatorium… C'est un peu le méchant dans Inspecteur Gadget, (on a les références qu'on peut !) la main qui caresse le chat... Y a-t-il une taupe, et si oui, qui est-elle ?

Le livre est plutôt bien écrit, ce qui est aussi une surprise (on peut s'agacer des transitions à deux balles entre chapitres, histoire de vous faire tourner la page suivante au lieu de fermer la lumière et dormir) avec un réel sens de la description du décor, un récit rythmé qui ménage les rebondissements, et des personnages bien dessinés. Lâcher dans un show de télé réalité - comble du voyeurisme à but hautement lucratif - une bande de pervers narcissiques et manipulateurs, l’idée se pose là ! On regrettera sans doute un épilogue un peu facile.  

C’est vite consommé, mais tout de même plus malin et original que la moyenne.
Editions Fleur Sauvage  - 432 pages

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