vendredi 25 novembre 2016

THE LONG AND WINDING ROAD de Ruben et Christopher (2016) par Luc B.


C’est un beau pavé, au format 24x32 cm, 184 pages, autrement dit, un truc qui se pose sur une table, et dont on tourne les pages délicatement. THE LONG AND WINDING ROAD (à l’origine, une chanson des Beatles, par McCartney, sur Let it be) est un récit initiatique. Celui d’Ulysse (toute ressemblance avec le héros mythologique n’est à mon sens pas fortuite…), marié, la quarantaine bedonnante, qui assiste aux obsèques de son père, Lucien. Père qu’il a peu connu, et qui en guise de dernière volonté, lui fait un cadeau empoisonné. Une boite, contenant de vieilles cassettes audio, une carte routière, les clés d’un vieux combi Volkswagen, orange évidemment, et une longue lettre explicative. Ta mission, Ulysse, si tu l’acceptes, sera de transporter les cendres de ton père sur l’île de Wight, lieu du festival rock de 1970.

Ulysse n’est pas très enthousiaste, encore un vieux tour de con, mais sa tante le persuade de prendre la route, et faire ce pèlerinage. Suivant les instructions, Ulysse va suivre les pas de son père, découvrant au passage son appartenance à un groupe de rock à la fin des années 60. Dont les trois autres musiciens sont encore en vie. Et vont tailler la route avec Ulysse, sur quelques étapes.

Le récit est découpé en chapitre, des « pistes », portant le nom de chanson de cette époque. La première réflexion, on se dit qu’un cd incorporé à l’album aurait été une riche idée. Cela coutait sans doute trop cher pour cette maison d’édition, Kennes, problème de droit j’imagine, dommage. On y a droit à du Hendrix, Led Zep, Harry Nilson, Barclay James Harvest, Dylan, Jethro Tull, Cream, Who, Taste, Chicago, Joan Baez, Shocking Blue, CCR, Presley

Le scénario n’est sans doute pas très original dans l’idée de départ (signé Christopher), mais le souffle de l’aventure emporte le tout. Et les personnages. Les trois survivants, Alain, Jacques et William, présents à l’enterrement, sont de vieux anars vivant dans le souvenir de leur jeunesse (un brin caricatural tout de même, mais solides seconds rôles). C’est à Montpellier que l’aventure commence. Ulysse suit les indices laissés par son père, les cassettes, bande son du voyage, et les souvenirs des trois acolytes.

Nous avons deux récits, présent et passé. Le dessinateur, Ruben Pellejero (qui avait repris les albums posthumes de Corto Maltese) opte pour une narration classique. Le présent sera coloré de camaïeux ocre, la jeunesse du père par des teintes bleues. La couleur n’éclatera que dans les dernières planches (exception faite lors d'une prise de LSD !!) une fois chacun réconcilié avec son passé, ou dans les pochettes de disques parsemées ici ou là. Le trait est en ligne clair, sobre, un graphisme que j’apprécie (j’étais très fan de Floc’h). Cette bd est une suite d’aventures, souvent cocasses, potaches, émouvantes. Parce que les trois vieux sont bien décidés à faire revivre les idéaux libertaires des 70’s, à coups de pétards et de bibines, de virées nocturnes, par leur souvenirs nostalgiques, à faire revivre leur pote Lucien, que son fils Ulysse ne voyait qu'en bourgeois installé (maire de sa commune).

Car en 1970, Lucien et son groupe avait eu pour projet d’assister au festival de l’île de Wight, y rencontrer leurs idoles, voire y jouer. Double suspens donc, Lucien y est-il finalement allé, et Ulysse y arrivera-t-il ? Entre temps, la troupe va rencontrer une auto-stoppeuse et un grand père médium, qui soignera à coup de chakra la sciatique de Jacques. Ils crécheront dans une bergerie, avant de reprendre la route, passer par Le Mans, par Tours. Ils trouveront asile chez une vielle comtesse excentrique, ou se feront serrer par les flics.  

Et à chaque étape du périple, Ulysse découvre le parcours de son père, de sa future mère, de ses amours avec une égérie rock, anglaise, mannequin. Plus Ulysse en apprend sur la vie tumultueuse de son père, ses élans, ses doutes, plus il s’interroge sur la sienne, étriquée, et sur le sens à lui donner.

Je ne dévoilerai pas la fin, of course, mais j’avoue un petit frison d’émotion, dans le parcours d’Ulysse. Les trois musicos, joyeux faire-valoir, en rajoutent un peu dans le folklore vieux babas, des personnages moins épais que le héros, qu'on aurait aimé plus approfondis. Mais le livre, par sa somme, son poids, le travail accompli (trois ans de boulot) tranche nettement sur les bd lambda. On s’installe confortablement dans cette histoire, on se laisse bercer par la bande son, et on suit, littéralement, ces aventures d’Ulysse, qui décidément aura fait bon voyage…



Puisque Cream fait partie de la BO de la BD (sic)... Pensée pour Jack Bruce...



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