vendredi 9 décembre 2016

HAPPY BIRTHDAY KIRK DOUGLAS : 100 ANS, par Luc B.


J’avais lu l’autobiographie de Kirk Douglas, LE FILS DU CHIFFONNIER (1988), beau succès de librairie, j’en garde le portrait d’un homme engagé, au caractère bien trempé, et très actif auprès de la gent féminine. Ce qui avait fait polémique, Douglas n’hésitant pas à nommer ses conquêtes, et force détails croustillants. Ce qui était assez inédit à l’époque. Il y parlait aussi de ses origines juives, ne comprenant pas les remarques antisémites à son égard, alors qu'il est né sur le sol américain.

La Griffe du Passé, avec Robert Mitchum
Il nait Issur Daniélovitch Demsky, d’une famille juive biélorusse. Sa mère se prénomme Byrna, nom que l’on retrouvera aux génériques de plusieurs de ses films, puisque c’est ainsi qu’il nomme sa société de production.

Avec Burt Lancaster
C’est lorsqu’il fréquente les écoles de théâtre qu’il prend le pseudo de Kirk Douglas, devenu ensuite son nom d’état civil. Il joue sur les planches, y rencontre la jeune Lauren Baccall, mais sa carrière est stoppée par la guerre. Il s’engage dans la marine, pas longtemps, pour cause de santé.

Retour au théâtre new yorkais, puis un petit rôle au cinéma dans L’EMPRISE DU CRIME (bonne petite série B avec Barbara Steinwick, 1946, que j'ai vue, les joies des DVD à 1 euro en supermarché...). Point de départ d’une des plus fabuleuses carrières qui soit, avec pour apéritif un classique du Film Noir, LA GRIFFE DU PASSE (1947, Jacques Tourneur, avec Robert Mitchum) et CHAINES CONJUGALES (1949, Joseph L. Mankiewicz).

Kirk Douglas a 100 ans aujourd’hui ! Sa femme, 97 ! C’est  Anne Buydens, d’origine allemande, passée en Belgique puis en France, raison pour laquelle Kirk Douglas manie un peu le français, comme son fils Michael.

Tout le monde connait la gueule de Kirk Douglas, et sa fossette au menton. Visage taillé  à la serpe, buste d’athlète (comme son pote Burt Lancaster, 7 ou 8 films en commun), alors que ce n'est pas un grand gabarit. Une réelle présence à l'écran, un jeu tantôt sobre ou halluciné selon les rôles (donc pas de maniérisme), un animal, mais doté d'une grande classe, charmeur et l’œil rieur, ou le sourire carnassier et le regard plus dur et froid que l'acier. Son jeu n'est pas cérébral, comme les Paul Newman, Pacino, et ceux de l'Actor Studio, davantage physique, mais je trouve qu'il fait le lien avec cette génération, dans ses choix, ses compositions. Et la voix. J'adore sa voix, son timbre, y compris dans les VF ! Il n'était pas l'archétype du brun ténébreux, normal, il était blond aux yeux bleus. Il a joué pas mal de salauds, de cyniques, de mégalos. Il tourne tous les genres, western, polar, guerre, péplum, drame… Et pas des moindres ! Et pas avec n’importe qui. Kirk Douglas n’était pas lié à des studios, il signait des contrats avec des producteurs, pour deux ou trois films, puis partait ailleurs.

Avec Kubrick sur Les Sentiers de la Gloire
Spartacus
Il est lui-même devenu producteur pour s’assurer une indépendance artistique. Car l’homme ne cache pas son penchant pour la politique, démocrate convaincu, même s’il était aussi ami avec Nancy Reagan. Il vient de faire publier par les journaux une longue diatribe anti-Trump, rappelant qu'il a vécu la dépression de 1929, une guerre mondiale, le maccarthisme, épousé une femme dont la famille a été chassée par les nazis, et que ce qu'il entend depuis quelques temps aux USA l'inquiète quelques peu... Il a encore du jus, pépère. 10 ans avant la génération du Nouvel Hollywood (Warren Beatty, Arthur Penn…) Kirk Douglas avait ce qu’on appelle une conscience, et n’hésitait pas à s’impliquer dans des réalisations qui la reflétait.

On se souvient de sa méga production SPARTACUS (Stanley Kubrick, 1960) où il embauche le scénariste Dalton Trumbo, alors black-listé pour amitiés communistes. Fallait le faire... A l’origine, il avait confié la mise en scène à son ami Anthony Mann, mais rapidement ce choix s’avère mauvais. Mann n’arrive pas à prendre la mesure du projet. Douglas congédie Mann avec la promesse (tenue) de retravailler bientôt avec lui, et fait appel à Stanley Kubrick, suffisamment effronté et orgueilleux pense-t-il pour reprendre un tournage avec des monstres comme Charles Laughton ou Laurence Olivier. Bonne pioche. Douglas avait mis sa notoriété au service du jeune Kubrick, rendant possible LES SENTIERS DE LA GLOIRE (1957), charge antimilitariste. Deux collaborations qui ont fait dire à Douglas : « Sur un plateau, Kubrick est un génie. Dans la vie, c’est un sale con ! ». C’est - entre autre - parce qu’il ne supportait pas l’ingérence de son producteur sur SPARTACUS, que Kubrick ne concevra ses prochains films qu'avec un contrôle total. 

Kirk Douglas en colonel Dax, arpentant, déterminé, les tranchées militaires, précédé par les travellings arrières de Kubrick, reste parmi les images les plus marquantes de sa filmographie, et de mon panthéon personnel...

Le Gouffre aux Chimères
Dans les années 50, Douglas apparait dans des films somptueux. On retiendra l’extraordinaire GOUFFRE AUX CHIMÈRES (1951, Billy Wilder) où il excelle en journaliste arriviste près à tout pour un scoop. Il y est fabuleux de cynisme. Détestable aussi, son rôle de producteur de cinéma (tiens, tiens) dans LES ENSORCELLES (1952, Vincente Minnelli), un des films les plus virulents sur le monde hollywoodien. Il retrouve Minnelli pour LA VIE PASSIONNÉE DE VINCENT VAN GOGH (1956), où il donne une composition frénétique et quasi schizophrénique du peintre. Et que dire de cette splendeur, LA CAPTIVE AUX YEUX CLAIRS d’Howard Hawks (1952), grand film humaniste, d'aventures, un regard sur le peuple indien bien différent des westerns lambda.

Van Gogh
Kirk Douglas est aussi le héros de grandes fresques d’aventure, qui confortent son statut de star. 20 000 SOUS LES MERS (1954) réalisé par Richard Fleischer, les deux hommes se retrouvant en 1958 pour LES VIKINGS, avec Tony Curtis et Janet Leigh. Dans le genre Kirk en jupette, citons aussi le classique ULYSSE (production européenne bof bof, mais qui a fait les beaux jours du petit écran). Rayon western, deux films de John Sturges devenus des classiques, REGLEMENT DE COMPTES A OK CORRAL (1957) et LE DERNIER TRAIN POUR GUN HILL (1959). Et un que j’aime beaucoup, L’HOMME QUI N'A PAS D’ÉTOILE (1955) de King Vidor.

Le cowboy épris de liberté, sera repris dans un film contemporain, un de ses plus beaux : SEULS LES INDOMPTÉS (1962), encore écrit par Dalton Trumbo. Kirk Douglas y passe à la réalisation, superbe scope noir et blanc, insatisfait du travail de David Miller, pourtant crédité. Revu il y a peu à la télé, c'est un film superbe. Les années 60 sont marquées par de grandes productions, LES HÉROS DE TELEMARK (1965, Anthony Mann), PARIS BRULE-T-IL (1966, René Clément), films plus politiques comme SEPT JOURS EN MAI (1964, John Frankenheimer, avec aussi Burt Lancaster) et un John Huston potache LE DERNIER SUR LA LISTE, où Kirk Douglas, méconnaissable, maquillé, interprète quatre rôles. Il s’y amuse beaucoup avec Mitchum, Lancaster et Tony Curtis.

En 1963 il joue au théâtre VOL AU DESSUS D’UN NID DE COUCOU, d’après le livre de Ken Kesey, dont il a acheté les droits. Il y joue le rôle de Mc Murphy, que reprendra Nicholson au cinéma. Mais il rame pendant 10 pour imposer son adaptation cinéma aux studios. Le sujet passe mal à l'époque. Il cède le projet à un producteur débutant de 25 ans, un certain… Michael Douglas, qui confie la réalisation à Milos Forman, et on connait la suite…

avec lui même... dans L'Arrangement
En 1968, il joue dans LES FRÈRES SICILIENS (Martin Ritt) qui ne reste pas dans les annales mais qui est un des premiers films à parler de la mafia, 4 ans avant LE PARRAIN. L’année suivante, il joue pour Elia Kazan dans L’ARRANGEMENT, avec Faye Dunaway et Deborah Kerr. Pas revu depuis longtemps, mais qui m’avait paru étrange et fascinant, dans le portrait d’un américain bien installé qui pétait les plombs et rejetait toutes les valeurs institutionnelles.

La suite est plus anecdotique, mais il y aura ce curieux et sarcastique western de Joseph Mankiewicz, LE REPTILE, avec aussi Henry Fonda, richement dialogué, décalé, mais dont les effets de réalisation ont vieilli. Kirk Douglas repasse à la réalisation avec SCALAWAG (1973) adaptation de L'ILE AU TRÉSOR, un four total, ratage complet, au contraire de LA BRIGADE DU TEXAS (1975) autre western où Douglas s’offre le rôle d’un marshall populiste et ambitieux. La réalisation est soignée, c’est à la fois un spectacle d’aventure et une réflexion ironique sur le pouvoir et la justice. Mais le film ne fonctionne pas, et Douglas laisse définitivement tomber la caméra.

On le voit chez Brian de Palma dans FURY (1978), bof, dans RETOUR VERS LE NIMITZ (1980) aventures spatio-temporelles qui fait travailler les méninges, et qui revu récemment tient sacrément bien la route. Et l'improbable SATURN 3, un machin de science-fiction dirigé par Stanley Donen (oui, l'auteur de CHANTONS SOUS LA PLUIE et CHARADE !) qui trône haut à la rubrique des nanars cultes !  

Martin Sheen et James Farentino, Le Nimitz
Kirk Douglas s’éloigne des studios, il n’est plus tout jeune, il a eu un accident d’hélicoptère, un infarctus, une attaque cérébrale, qui lui laisse de profondes séquelles. Une élocution qui lui donne l'air sénile, alors que non.  En 1986, il tourne COUP DOUBLE, une comédie où son pote Burt Lancaster et lui cabotinent joyeusement, à la manière de Belmondo et Delon dans le calamiteux film de Lecomte. On oubliera aussi L’EMBROUILLE EST DANS LE SAC, de John Landis, remake du OSCAR avec Louis de Funès, joué par… Sylvester Stallone !  

Kirk Douglas a écrit aussi trois romans, et a publié le quatrième tome de son autobiographie. C’est pas une belle carrière ça ? Hawks, Wilder, Huston, Kubrick, Minnelli, Mankiewicz, Kazan…

Un siècle ! Merde ! Y’en a pas beaucoup qui ont passé le cap ! Il pourra sans doute trinquer avec Olivia de Havilland (100 piges aussi) inviter pour le dessert Gisèle Casadesus (102 ans), Zsa Zsa Gabor (99 ans) ou Michèle Morgan (96 ans)…

Bon anniversaire cher Kirk !!! Longue vie !!! Et je vous fais parvenir au plus vite mon scénario sur la vie de Jeanne Calment, les raccords maquillage ne devraient coûter trop cher.


+++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++


Je ne vais pas vous montrer des extraits de film (lequel choisir ?) mais de télé. Une soirée des Oscars, avec Burt Lancaster, la chanson est sur le thème de  : "ah quelle chance de ne pas être nominé". C'est juste génial. Et un journal de F2, où il parle français.

Bon, vous l'aurez compris : j'adore ce mec.






000

4 commentaires:

  1. Pour un gars qui a joué le rôle du tuberculeux doc Holliday dans "Règlements de comptes à OK Corral", il a bien tenue le coup !

    RépondreSupprimer
  2. Voilà qui me laisse pantois. Quel homme ! Quel belle personne ! et quelle carrière également. En voilà un qui, le jour "J", pourra s'en aller le cœur apaisé et bien rempli aussi.

    Thanks Mr Luc.

    RépondreSupprimer
  3. Entièrement d'accord, quoique...Pour avoir visionné X fois Les Sentiers de la gloire, que je passais en classe dans une ville où il y a une des plus grosses bases aériennes françaises et une caserne de gendarmes mobiles, et donc des fils de ...., je suis moins catégorique sur le caractère antimilitariste du film. Enfin, moins catégorique, non, franchement en désaccord. Dax est l'officier modèle, courageux, à l'écoute de ses hommes...etc. Ce qui est attaqué dans le film, c'est moins l'armée comme institution que certains de ses représentants, cyniques et arrivistes (les généraux Miraud et Broulard). A la fin, après l'épisode lacrymal, tout le monde repart de plus belle. On attend le film sur les épisodes de fraternisation et les mutineries, férocement réprimés, qui sera lui, par force, antimilitariste. C'est pas pour tout de suite, à mon avis, vu le crédit dont jouissent actuellement les culottes de peau.
    Remarque incidente que tu ne prendras pas mal: on dit la gent féminine et non pas la gente féminine (on n'accorde gent que lorsqu'il est adjectif): c'est un des mes poils à gratter, comme conséquent à la place d'important ou en charge de.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Corrigé. Merci. En plus, je le savais...
      Pour les Sentiers de la Gloire, on va en reparler très bientôt. Ce que Kubrick pointe, c'est l'absurdité de la chose, comme dans FOLAMOUR, ou BARRY LYNDON. C'est l'autorité qu'il fustige. Ce qui le fascine. Ce n'est pas contre une armée (Kubrick n'avait jamais fait de guerre, trop jeune, puis trop vieux) mais contre les imbéciles qui dirigent l'armée. C'est en ce sens antimilitariste. Si l'armée est contrôlée par des fous, alors il faut être antimilitariste.

      Supprimer