jeudi 23 février 2017

HÉLÈNE GERRAY - "De l'air !" (2016) - par Pat Slade





La Belle Hélène





J’aime ces matins où, quand j’ouvre ma boite aux lettres, en dehors des prospectus et des factures en tous genres, je trouve une enveloppe matelassée avec un CD dedans. Cela veut dire que je vais pouvoir écouter et découvrir un artiste qui ne fait pas partie des dinosaures de la chanson française et ça, c’est bien agréable pour commencer une journée.    

Avoir du talent n'est pas seulement l'apanage de trop rares artistes que l’ont peut entendre et voir dans les tabloïds à grand tirage, les grandes radios périphériques ou encore les chaînes de télévision tout publics. Il suffit de chercher, de creuser et d’écouter pour trouver des talents peu connus et qui pourtant arrivent à exprimer leur richesse musicale. Hélène Gerray fait partie de ces femmes qui essayent de sortir de l’ombre. Me voila donc avec mon enveloppe entre les mains et je suis comme un môme un soir de noël qui va ouvrir son cadeau. Des sensations que j’avais déjà connues avec Radio Elvis et Sofian Mustang et qui sont toujours des plaisirs renouvelés.

Je découvre ainsi un disque à la couverture bleu avec un dessin enfantin d’une jeune fille en robe rouge, la queue de cheval au vent criant «De l’air !». Mais avant d’écouter cette galette qui m’a l’air prometteuse, je vais farfouiller dans le passé de la dame. Décembre 2011, un premier album «J’ai du vide au bout des pieds» dont on peut encore entendre deux titres sur Youtube «Je suis une femme» et «Comme une petite chanson». Certains fans de son public voit en elle la fille cachée de Georges Brassens, je rajouterai que ce dernier a dû fauter avec Anne Sylvestre pour lui donner un tel talent.

Une femme armée d'une guitare qui, selon sa biographie, changera son destin de femme au foyer de la banlieue parisienne pour celui de chanteuse poète dans une petite commune du Cher de 544 habitants. Pourtant rien ne prédestinait Hélène Gerray à se retrouver devant un micro et sous les feux des projecteurs à chanter ses vers et à jouer sa musique sur les petites scènes de province. Selon ce qu’elle écrit en préface sur le très beau livret qui comporte les paroles de ses chansons et qu'elle a eu la gentillesse de m’envoyer avec le disque qui, de plus, est agrémenté de photos, dessins et de peintures... Elle ne se voyait sans doute pas, vingt ans plus tard, avec deux CD à son actif et des concerts intimistes à profusion.

Mais revenons à l’album de cette jeune grand-mère. «De l’air !», le point d’exclamation donne bien l’état d’esprit dans lequel la chanteuse se trouve : une envie de donner un grand coup de balai dans une vie monotone, une envie de grand espace et de changer d’air tout simplement.

«Je veux un homme». Tout de suite nous sommes dans le bain de l’univers d’Hélène Gerray et, musicalement, c’est tendre, doux et légèrement mélancolique. La dame n’est pas difficile, elle veut juste un homme qui n’a pas peur de l’orage. Des paroles drôles et tendres, une voix fraîche et chaude à la fois, pure et charmeuse. La suite me promet bien du plaisir.
«Le dîner de chasse». Brassens a frappé ! On ne peut pas s’empêcher de sourire avant de rire des paroles de cette chanson que l’homme aux moustaches aurait pu chanter. «A bout de la troisième bourrée, et alors que certains le sont, en r’gardant les autres virevolter, je me décide à lui faire front». Un vrai dîner de beaufs.
«Je voudrais qu’ils comprennent» Très joli texte sur le plaisir sexuel et pourquoi selon les médias, certains seraient «anormaux» parce qu’ils n’aiment pas ça ?


«Dis-lui». Que certaines chansons sont belles en voix-guitare et celle-ci particulièrement, puisque tous les parents pourront s’y retrouver le jour où on leurs annoncent qu’ils passeront au grade supérieur de grands-parents.
«Noah». La suite logique de la précédente, avec l’arrivé du petit dernier dans la famille qui empêche ses parents de dormir (Nous avons tous connu ça !).
 «L’odeur de corne brûlée». Une chanson inspirée par un autre texte d’André Coulon, un homme de 85 ans qui racontait ses souvenirs d’une époque révolue avec ses images, ses bruits ambiants et ses odeurs. 

«Jean-Luc». Une chanson hommage à son ancien complice musicien contrebassiste.
«Marie». Très courte, mais quoi de plus beau que de faire une chanson pour sa meilleure amie ? Pas besoin de faire de longs discours.
«Le chanteur engagé». Comme elle le dit elle-même «Être engagé signifie pour moi dire ce que l’on pense au fond de soi-même et pas ce que notre public attend qu’on pense». Elle trempe sa plume dans le vinaigre ou le vitriol (Au choix !) sous le mode de la dérision et cela nous donne un résultat politiquement incorrect.

«L’escargot». Avec sa belle guitare aux accents manouche, un titre qui justement parle de ce peuple qui ne trouve pas sa place sur cette planète et vie comme le gastéropode.
«Laissez-moi mourir». Un très beau titre, l’implacable travail de la vieillesse mais surtout un plaidoyer pour la mort dans la dignité.
«Alain» La belle parle-t’elle de son homme ? Une chanson pleine d’humour et à double sens. Je me suis senti concerné, Alain est mon deuxième prénom !

«Les mamans qui ne font pas de bisou». Comme elle l’écrit elle-même en préface : «On en connaît forcément une» Des mauvaises mères ou la difficulté de la maternité ?
«Les chats d’Israël» L’actualité est aussi dans son registre, une histoire de castration en Israël pour cause de surpopulation des chats mais condamné par la Torah, le tout sur fond de guerre Israélo-palestinienne
«Le tablier de Martine» Petite bluette sympathique de la copine Martine !


«Les enfants». Le seul texte qui ne soit pas d’Hélène Gerray mais de Nicole Herault. Une chanson très belle et très triste ; celle évoquant un homme qui attend l’arrivée de ses enfants pour un repas, qui met les petits plats dans les grands, mais la journée passe jusqu’à la fin du jour sans qu’il n’ait vu âmes qui vivent. Tout ceci n’était qu’illusion ? «Qu’ai-je fait de ma vie moi qui n’ai point d’enfant».
«Le cueilleur de cailloux». Son contrebassiste avait tendance à ramasser des galets sur les plages et suite à un lapsus le mot «cueillir» remplaça «ramassé».
«Les bons amis». Je ne sais pas comment prendre cette chanson, les paroles sont-elles autobiographiques ? Beaucoup de désespoir et de beauté en même temps dans le texte.

«De l’air !» La chanson coup de balai ! La révolte féministe avec ses nouvelles résolutions.
Et pour digérer le tout, une version a cappella de «Noah». 


Après écoute, les similitudes avec Linda Lemay, Jeanne Cherhal, Raphaële Lannadère pour ne citer que celles-la sont flagrantes. Du talent à revendre, les majors passent à coté de quelque chose. Hélène Gerray pourrait être sur la scène des francofolies sans aucun problème ! Une voix, des textes et une musique, un ensemble que l’on voudrait entendre plus souvent dans ce monde où les textes en langue anglo-saxonne tiennent le haut du pavé. Et même si elle demande «De l’air !», Hélène Gerray ce n’est pas du vent !!  

Hélène Gerray, ma valeur sûre pour les déblocd’or de l’année prochaine.

Merci au facteur d’avoir occupé ma nuit et merci à Hélène Gerray de m’avoir charmé de sa voix et de son talent. 

Son site : Hélène Gerray  

Sa page FaceBook : helene.gerray.FB

 


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