vendredi 3 mars 2017

CHEZ NOUS de Lucas Belvaux (2017) par Luc B.



Ah les nazes ! Le film n’était pas sorti, la bande annonce à peine visible, que déjà le Front National hurlait au scandale, à l’attaque ignoble, partisane (y’a des attaques qui ne le sont pas ?) demandait l'interdiction immédiate pour atteinte à la démocratie en période électorale, un film crypto-gauchiste payé par nos impôts (comme ta campagne, ducon, et elle coûte plus cher qu'un film de Belvaux !).

Faut dire que… toute ressemblance avec des personnages réels n’est pas totalement fortuite !  CHEZ NOUS affiche clairement ses intentions politiques, cible l'extrême droite. Un genre inhabituel en France, d’ailleurs le réalisateur Lucas Belvaux est belge. Et si Florian Philippot s’était donné la peine, il saurait que la fibre sociale et politique est très présente chez ce metteur en scène, son film de 2006 LA RAISON DU PLUS FAIBLE aurait pu être fait par un Ken Loach.

Belle séquence d’exposition. Belvaux filme une ville du Nord, où domine l’isolement, le chômage, le manque de tissu urbain, de transport, les relents xénophobes. Celle qui nous guide dans ce décor est Pauline Duhez, infirmière à domicile (jouée par Emilie Dequenne). Bien placée pour connaitre les petits malheurs des gens, notamment dans les cités. Raison pour laquelle son mentor, le docteur Philippe Berthier lui propose d’être tête de liste pour le RNP (Rassemblement National Populaire). Pauline hésite. C'est pas son bord, et la politique, elle n'y entend rien. Le RNP est dirigée par Agnès Dorgelle, dont le père était président du BLOC, parti fasciste. Mais la fille, Agnès, c’est pas pareil. Elle n’est pas raciste. Elle aime les gens, sa région et surtout… la France.

Lucas Belvaux décrypte les rouages, les ficelles de l’enrôlement, la communication, les éléments de langage. On suit une Pauline néophyte, mais pleine d'espoir. Sauf que son image auprès des autres est modifiée en s’affichant avec le RNP. Elle voulait aider, rassembler, elle est de plus en plus isolée. Son père la renie (faut dire, il est communiste…), certains de ses amis, ses patients, comme cette femme musulmane et sa fille, qui lui demandent de ne plus venir chez eux, maintenant. Pauline s’interroge sur son rôle, celui qu’on lui fait jouer. De tête de liste elle passe à tête de gondole.

Intéressant aussi, la rencontre de Pauline et un ex-petit ami, Stéphane Stankowiak, entraineur de foot hyper sympa avec les gamins. Sympa mais  à cheval sur la discipline. Ca permet à Belvaux d’inclure une histoire d’amour qui relance l’intérêt, et le propos, le suspens (plus d’une fois le film a des allures de thriller, filatures, menaces, dossier enfoui…) car une vie privée n’est plus compatible avec une vie publique. On conseille instamment à Pauline de quitter ce type-là.

Pourquoi ? C’est là l’autre thème du film. Belvaux gratte le vernis. Fouille le passé. Celui de Stéphane, ex néo-nazi, amateur de ratonnades, un genre de profils qu'on cherche à gommer au RNP. Philippe Berthier, gentil, humain, mais dont la devise « guerre et honneur » a gardé tout son sens. Le naturel remonte vite au galop. Il dit : « Changer de stratégie, ce n’est pas changer d’objectif » Il y a Nathalie Leclerc, une bonne copine de Pauline, qui se prend au jeu du patriotisme triomphant, et verse dans le fascisme dégueulasse.  

Ce que nous dit Belvaux dans son film, c'est que ces hommes-là avancent masqués, qu'ils ne changent pas. C'est le sens de la dernière scène, après le match de foot. L’empreinte ADN ne peut pas être modifiée.

Le film est didactique, forcément, certains profils sont schématiques (la copine Nathalie justement, son fils ado qui édite un blog facho), mais faut dire que les modèles sont aussi caricaturaux ! Le personnage d’Agnès Dorgelle, est assez secondaire finalement, en clone de Marine Le Pen, jouée par Catherine Jacob qui ne m'a pas trop convaincu. Au contraire d'Emilie Dequenne et André Dussollier, toujours épatants, et Patrick Descamps.

On n’est pas chez Yves Boisset (pas de pamphlet rentre-dedans), ni chez l'anar Jean Pierre Mocky (celui de A MORT L’ARBITRE), ni tout à fait chez Claude Chabrol (pas de sarcasmes, de critiques bourgeoises, de mise en scène hitchcookienne). Mais tout ça à la fois. On est dans un film-dossier, très bien écrit et pensé, mais où on peut juste regretter que le fond l’emporte sur la forme. Car osons le dire, la mise en scène de Lucas Belvaux est au niveau d’un téléfilm de France 3, lui d’ordinaire plus convaincant avec sa caméra. Une façon de s'effacer pour privilégier son sujet, peut être, mais fond et forme n'ont jamais été incompatibles ! Il sera intéressant de suivre ce film au box office...

couleur  -  1h50  -  scope 2:35

   
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5 commentaires:

  1. tu as classé ce film en "drame" , y' a t'il des éléments pas comiques mais du moins qui font sourire? (même si le thème de ces immondes partis populistes en France et ailleurs ne prête pas vraiment à rire..)

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  2. Pas une once de sourire, non. Drame (quoique... du point de vue de l'héroïne...) n'est pas le mot qui convient, sans doute, mais comédie encore moins ! Et c'est pas non plus un thriller. Ni un film dans la lignée des films italiens des 70's, politiques et satiriques.

    Malheureusement, ce n'est pas une satire !! Et pour ça que ça les fait chier au FN...

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  3. Ecouté ce matin les critiques dans La Dispute sur France Culture: tout le monde lui est tombé dessus en jugeant le film contre-productif. Je ne l'ai pas vu, je n'irai pas le voir pour deux raisons:
    1.Les films didactico-moalisatro-édifiants, merci bien.
    2.Taper sur le FN, ça devient une scie, insupportable comme toutes les scies.

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    1. Taper sur le FN, au cinéma, ce n'est pas une scie, c'est quasi inédit par chez nous.
      Le film est moins sur le FN et ses valeurs, mais comment ils avancent masqués, arrivent à gagner des voix, enrôler des gens sur leurs listes, sans que ces personnes soient pour autant raccords avec leur idéologie.

      Dire de ce film qu'il est contre productif, revient à en faire un trac politique. Ce qu'il n'est pas. C'est juste un film !

      Ce film peut être jugé bancal, mais il a au moins le mérite d'exister ! Je ne suis pas sûr que garder la merde sous le tapis pour ne pas la voir soit la meilleure solution. On voit chez certains de nos voisins européens que ça peut tourner au vinaigre très rapidement...

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  4. freddiefreejazz4/3/17 01:07

    Salut les amis ! Il faut lire un article paru dans le Monde Diplomatique, celui du mois dernier (janvier me semble-t-il), j'y ai trouvé le témoignage d'un ancien militant du PS qui en a marre de tout, et qui jette aujourd'hui l'éponge, il est terrible ce témoignage. Il a cherché pendant 30 ans à trouver des solutions pour lutter efficacement contre le FN. Son constat est amer et terrible, quand il décrit par exemple la Creuse (si je me souviens bien), cette région qu'il a parcourue, au contact de ses habitants, etc. Faut aussi relire l'illusion politique de Jacques Ellul, los amigos ! Bien à vous,
    Un toqué de jazz, freddiefreejazz

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