vendredi 7 juillet 2017

L'ARABE DU FUTUR de Riad Sattouf (2014) par Luc B.


Riad Sattouf est un touche à tout. Scénariste, parfois acteur, réalisateur de films (LES BEAUX GOSSES en 2009, gros succès et César du premier long métrage, JACKY AU ROYAUME DES FILLES, en 2014) et surtout auteur et dessinateur de bandes dessinées.  On lui doit la série des PASCAL BRUTAL pour Fluide Glacial, LA VIE SECRETES DES JEUNES, des chroniques parues au long court dans Charlie Hebdo, et regroupées en trois tome. Sa dernière création est LA VIE D’ESTHER, le second tome est sorti en 2017. L’univers de Sattouf est concentré sur la jeunesse, l’adolescence.

C’est logiquement qu’il s’attaque à la sienne, de jeunesse, dans L’ARABE DU FUTUR (2014, 15, 16) un roman dessiné autobiographique. Né d’un père syrien et d’une mère française, le gamin arbore une longue chevelure blonde et soyeuse, qui fait l’admiration de tous. Il raconte la rencontre de ses parents, les études d’histoire contemporaine de son père, qui muni d’un doctorat pense pouvoir faire carrière en France… mais atterrit en Lybie !

Riad Sattouf raconte ses souvenirs, balloté de France en Lybie, de Jersey en Syrie. Les dessins sont au trait noir, sur un fond monochrome, selon les pays, bleu en France, jaune à Tripoli… Quelques taches de couleurs, parfois, comme le Petit Livre Vert de Kadhafi, dont s’amourache son père ! Ou les bananes distribuées gratuitement à la population. Kadhafi se voyait comme un socialiste arabe, la gratuité était le fondement de son œuvre sociale. Les habitants ne payaient pas de loyer, chacun pouvait vivre où il voulait, dans la mesure dans un logement était vacant. Interdit donc de verrouiller les portes, et si une famille partait une journée dehors, elle trouvait d’autres locataires à son retour !

Bien que d’une famille athée, la religion est omniprésente. Pour le jeune Riad, Dieu s’appelle George Brassens (sa mère lui avait dit que Brassens était un dieu en France…) et dès qu’il est question d’Allah dans la BD, Sattouf dessine Brassens ! George Pompidou avait aussi la côte, c’est le bonhomme que dessine tout le temps le gamin,  y compris en Père Noël !

La famille partira ensuite en Syrie, terre natale du père, qui cette fois s’entiche d’Hafez Al-Hassad. Sattouf croque le quotidien, sa rentrée des classes, les insultes réservées aux chrétiens ou aux juifs (« je nique le père du père de ta mère la pute ! ») les relations dans la famille du père, les terres vendues, dilapidées, les innombrables cousins, les conditions de vie, les traditions. Le tout du point de vue du gamin, c’est drôle et instructif. Souvent, Riad Sattouf a recours à des notes manuscrites, des petites flèches, pour préciser des détails, et notamment les odeurs.   

Ca fourmille d’idées, de détails, de scènes et de dialogues rigolos (à un vendeur de fruit : « Tu t’fous d’moi ? Tu m’as mis que des pourries ! J’veux celles de devant » «  Et comment j’les vends aux autres, cousin, c’est les seules pommes brillantes que j’ai ! »).

L’ARABE DU FUTUR rappelle le PERSEPOLIS de Marjane Satrapi (en bd, puis adapté en dessin animé au cinéma) qui racontait sa jeunesse en Iran puis en France, ou le récent film de Kheiron NOUS TROIS OU RIEN, des récits autobiographiques, liés à l’enfance des protagonistes, un regard souvent acerbe mais poétique sur le mélange des cultures.      

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