jeudi 27 juillet 2017

LES CHARLOTS - par Pat Slade


Des Problèmes avec les Charlots par Pat Slade


Alors que je dépoussiérais mes disques vinyles, je suis tombé sur un album en public de1972 et un 45 tour de 1971 qui n’avaient pas tourné depuis des lustres. Les Charlots ? Tiens j’avais ça moi ? Je mets ma platine en marche et commence à écouter ces vieilles galettes de 45 ans. Hormis les grésillements des sillons et le craquement significatif d’un disque qui a beaucoup tourné, la musique est toujours aussi sympa et les paroles toujours aussi drôles et délirantes. «Voila une bonne idée de chronique !» me dis-je. Allez Hop ! Je vais faire le charlot le temps d’une chronique en espérant ne pas avoir de problèmes.




Les Problèmes d’Antoine




En 1966 alors que le chanteur des élucubrations (Oh yeah !!) demande à Yvette Horner de jouer de la clarinette et veut enfermer Hallyday dans une cage à Médrano avec une voix narquoise et une guitare acoustique folk contestataire à la Dylan, il va rencontrer un groupe de rhythm’n’blues français composé de cinq zigotos, Les Problèmes

Mais comment est né ce groupe ? Revenons à la genèse. C’est en 1963 que Gérard Rinaldi va rencontrer Jean Sarrus, ce dernier joue dans un groupe avec trois autres musiciens et les petites tournées commencent à bien marcher, entre des Intervilles par-ci et l’Olympia en première partie de Dick Rivers par-là. Le rocker niçois aime tellement le groupe et particulièrement Gérard qu’il le débauche en tant que sax et manager de ses musiciens anglais. Mais cela n’aura qu’un temps et il reviendra avec ses potes. En 1964, ils feront la connaissance de Christian Fechner leur futur manager, et arrive les problèmes (Pas le groupe, pas encore !), un des musiciens part rejoindre France Gall et Gérard est appelé sous les drapeaux. Fechner va récupérer ce qu’il reste du groupe et va les nommer «Les Tarés» (Un nom prédestinés ?), ils accompagneront Ronny Bird et feront la première partie d’Hugues Aufray et de Françoise HardyGérard revient au bout de trois mois après s’être fait réformer. Le guitariste se sauve avec Hugues Aufray. Jean et Gérard tentent de recomposer un nouveau groupe, ils font appel à un pote nommé Albert et à un autre pote guitariste Luis Rego.  

En 1965, ils décident de recréer un groupe et Luis propose le nom Les Problèmes. Accepté à l’unanimité le groupe se compose alors de Jean (Basse), Gérard (Chant), Luis (Guitare), Albert (Guitare) et Donald Rieubon (Batterie).  

Christian Fechner trouve un jeune artiste qui monte mais qui n’a pas de musicien derrière lui : Antoine. Arrive un grand échalas blond Gérard Filippelli surnommé Phil qui va remplacer Albert. Le groupe va enregistrer deux quarante cinq tour avec des textes qui ne ressembleront pas à ce qu’ils feront plus tard comme «Ballade à Luis Rego, prisonnier politique» Un titre pour soutenir Luis Rego leur guitariste rythmique qui parti au Portugal pour des vacances, sera arrêté pour désertion et emprisonné quelques mois  pendant la dictature d’Antonio de Oliveira Salazar

Ils sortent leur premier album en 1966 sous le titre «Antoine rencontre les Problèmes»qui est plus un disque des seconds que du premier. Le chanteur à la chemise à fleurs n’interprète que deux titres sur les quatorze que comporte l’album. Ils feront les premières parties de Françoise Hardy, Claude François et l’idole des jeunes Johnny Halliday. Ils font partie des meilleurs musiciens français selon le magazine «Rolling Stone». Petite devinette, quelle est le point commun entre les problèmes et Téléphone ? Ce sont les deux seuls groupes français à avoir fait la première partie des Rolling Stones, les premiers en 1966 et les seconds en 1982. Rieubon le batteur part pour l’armée et ne reviendra pas, on le retrouvera plus tard avec le groupe Labyrinthe ou se trouvait Claude Arini au clavier (Halliday, Bill Deraime, F.Béranger) et Pierre Billon le fils de la chanteuse Patachou qui écrira surtout pour Halliday, M.Sardou et S.Vartan. Il jouera aussi au sein de Tartempion le groupe de Gérard Pisani (ex. Martin Circus).

La place étant libre, ce sera Jean-Guy Fechner le frère de Christian qui prendra la place aux drums. Lors d’un gala après qu’Antoine soit N°1 avec «Je dis ce que je pense, je fais ce que je veux», Rinaldi va improviser avec un accent berrichon, et qui va devenir leur marque de fabrique «Je dis n’importe quoi, je fais tout ce qu’on me dit». Phil va sortir  son accordéon Jean va dire une phrase qui restera célèbre : «Ouais ! Solo ! Chauffe Marcel !!». Pour déconner, Christian Fechner va enregistrer l’œuvre qui sortira dans les bacs mais sans la photo du groupe et devant le résultat le premier mot qui sortira de la bouche de Jean sera : «Les Charlots !!». Les problèmes ne peuvent pas marcher, les Charlots commence à percer et comme ils disent : «Avec les Charlots, plus de Problèmes !». Et les 45 tours commencent à pleuvoir et à inonder les ondes radios. 

Entre les titres parodiques et humoristiques très franchouillards, le succès est au rendez-vous. «Les Plaies-bois» une reprise du morceau «Les Plays-boys» de Jacques Dutronc avec déjà cet accent berrichon, «Hey Max» de «Hey Joe» de Jimi Hendrix, «L’amour avec Toé» de « L’amour avec toi» de Michel Polnareff, «T.V.A., T.V.A (A moi d’payer) de Sidney Bechet. Mais cela ne va pas les empêcher de sortir leurs propres titres avec le succès que l’on connait, ils écrivent «Paulette la reine des paupiettes» en hommage à la maman de Gérard. En 1968 le disque «Merci patron» sort et c’est un triomphe et la tourmente de mai en fera involontairement un gros coup de marketing, ils ressortiront ce single en 1971. Les morceaux de choix et les 45 tours s’enfilent comme des perles «Sur la route de Pen’zac», «Derrière chez moi».   

En 1969 la ronde des singles reprend : «Il était une fois dans le sud», «Sois érotique» un morceau qui parodie «69, année érotique» de Serge Gainsbourg avec un Rinaldi qui imite si bien le chanteur à la gitane que ce dernier en l’entendant un matin à la radio dira : «J’ai cru que c’était moi !». Bruno Coquatrix leur ouvre les portes de l’Olympia et un live en sortira juste derrière. Ils continueront cependant à sortir des disques de reprises, et la même année Les Charlots feront un disque des chansons de Boris Vian, un vinyle difficile à trouver à l’heure actuelle.




Les Charlots font leurs Cinéma






En 1970, ils rencontrent le producteur Michel Ardan (Les Grandes Gueules, Franz…) qui leur demande si ils veulent faire du cinéma, ils répondront par un «Oui» hésitant et repartiront avec le scénario de «La Grande Java» sous le bras. Réalisé par Philippe Clair, Francis Blanche leur donnera la réplique et le cadreur sera un certain Claude Zidi. Le film sera un gros succès public avec 3.385.000 entrées. Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Un deuxième film ou Claude Zidi passera réalisateur. Avec «Les bidasses en folie» Les Charlots seront à l’apogée de leur popularité avec  presque 7.500.000 entrés sur le territoire et 5 millions à l’étranger. Un film ou apparaissait les groupes Martin Circus et Triangle au cours de la scène du tremplin rock.

Ce sera le déclic pour Luis Rego qui quittera le groupe ayant peur que le succès des Charlots ne fasse de l’ombre à ses projets solo, il ne voudra plus participer aux disques et aux concerts mais il reviendra voir ses potes de temps à autre sur les plateaux de cinéma. De son coté, le portugais fera quelques nanars comme «Le führer en folie» avant d’éclater avec le personnage de Bobo dans «Les bronzés», France Inter lui ouvrira ses portes en étant l’«Avocat le plus bas d’Inter» dans «Le tribunal des flagrants délires», un avocat qui ira jusqu'à défendre Jean-Marie Le Pen avec quelques petites phrases assassines «J’avais une blague sur Le Pen, mais il risque de voir ça d’un mauvais œil». 
Les quatre Charlots restant continuent de leur coté leur carrière musicale et cinématographique. L’année 1972 sera particulièrement chargée avec un Olympia et deux films «Les Charlots font l’Espagne» et «Les fous du stade»  de 4.162.000 entrés pour le premier et 5.744.000 pour le second. Les Charlots font du cinéma qui attirent les foules même si les gags plutôt potaches volent au ras des pâquerettes. Plus les années vont passer, plus les salles vont s’éclaircir, leurs derniers films en 1992 «Le retour des Charlots» sera un bide et seulement 15.880 spectateurs iront le voir. Le charme des années 70 était rompu. Idem pour la chanson, leurs 45 tours ne feront pas des étincelles hormis en 1983 avec «L’Apérobic» qui fera un petit succès d’estime. En 1992, ils se séparent définitivement.

Ils réapparaissent le temps d’une émission télé ou autre interview, mais il ne reste plus du canal historique que Jean Sarrus et Jean-Guy Fechner. Exit Phil et Gérard, ce dernier est remplacé par Richard Bonnot (Qui maintenant fait partie de la bande !). Gérard Rinaldi qui délaisse la chanson pour le cinéma, le doublage et la télévision ou il enfilera la blouse d’un vétérinaire. Il reviendra dans le groupe en 2009 jusqu’en 2011. Il décédera l’année suivante d’un cancer à 69 ans. La fin du groupe est-elle consommée ?  Et bien non ! Après une prestation scénique en 2014, Sarrus, Fechner et Bonnot annonce le retour officiel du groupe à l’occasion du demi-siècle de carrière des Charlots.
Les Charlots ? de sympathiques clowns, bons musiciens qui ont su amener le sourire et même le rire que ce soit avec leurs chansons ou leurs films. 



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