mercredi 5 juillet 2017

SNAKECHARMER "Second Skin" (2017), by Bruno


     Les Super-groupes ... Il y a des années, lorsque tombait l'annonce d'une réunion de musiciens renommés, c'était l'effervescence. L'impatience rongeait les fans transis et autres curieux. D'autant plus qu'internet n'existant pas, il n'y avait rien à se mettre sous la dent. L'imagination prenait alors son envol et on imaginait la direction et le résultat qu'allait donner ce Supergroup. Généralement, on espérait beaucoup, trop même, s'attendant au miracle d'une musique encore plus forte, plus dense, plus intense, plus originale - mais pas trop -, plus enivrante, plus émotionnelle. Plus, plus, plus ...
Il est vrai que le premier de ces supergroup, Cream, avait marqué à jamais l'histoire. Et puis il y eut Crosby, Stills & Nash, puis & Young ; ensuite Blind Faith, Humble Pie, Emerson Lake & Palmer, Beck, Bogert and Appice, Bad Company.

     Et puis finalement, progressivement, le choix a perdu de son attrait. La faute évidemment à des déceptions. Certaines "stars" pêchant par paresse, se reposant parfois un peu trop sur la seule notoriété de leur nom, aveuglés par leur ego, finissant par croire que tout ce qui sortait de leurs doigts, ou de leurs cordes vocales, était magique.
D'autres se sont rendus compte que l'alchimie pouvait être fragile, aléatoire, incertaine. Qu'elle ne dépendait pas seulement du niveau technique des collègues, encore moins de leur gloire passée. Ainsi, il y eut une tripotée de déconvenues.

     Aujourd'hui, les super-groupes sont nombreux ; on en trouve à tous les coins de rue. C'est presque devenu une banalité tant il y en a. Entre les retraités qui se languissent des ovations, les vieux routiers cherchant désespérément un moyen de booster leur carrière en perte de vitesse, ou les jeunes loups aux dents longues qui espèrent s'appuyer sur la notoriété d'autrui pour gagner de nouvelles parts de marché.
 

   Toutefois, ce groupe-là est susceptible de titiller la curiosité. En effet, on retrouve dans ce quintet un certain Laurie Wisefield. Aujourd'hui, pour beaucoup, et plus particulièrement les plus jeunes, ce nom ne signifie rien. Et pourtant, il a fait partie de Wishbone Ash de 1974 à 1985-1986. Rappelez-vous, le filiforme à la tignasse bouclée adepte de la Stratocaster. Auparavant, il était dans un obscur mais intéressant groupe de Rock progressif, Home (1). Suite à la première pause du groupe d'Andy Powell, Laurie, qui n'avait pas encore l'âge de la retraite, s'est reconverti en mercenaire, jouant pour Joe Cocker, Roger Chapman ou Tina Turner (2). Il a aussi joué pour la troupe "We Will Rock You". Comme quoi, alors que tout laissait croire qu'il s'était retiré car ignoré par la presse, Wisefield ne s'est jamais vraiment arrêté. Il était seulement dans l'ombre de ses employeurs. Il en a eu assez de jouer les tâcherons pour autrui. Quitte à ne pas partir à la retraite, à ne pas couler des jours tranquilles, autant continuer en revenant à des choses plus personnelles. Même si pour cela, il faut retourner dans des clubs, des salles d'envergure modeste. C'est pour le plaisir.

     On avait précédemment l'excellent et humble Micky Moody, l'homme au chapeau à large bord, éternellement vissé sur sa tête depuis 1973 (oui, il y a eu aussi l'intermède bandana et casquette). L'homme qui avait brillé dans Juicy Lucy, SNAFU, et bien sûr le Whitresnake à l'époque où c'était encore une machine de Heavy-blues-boogie. Seul rescapé de l'album "White Snake". Présent sur le premier essai de Snakecharmer, il est dorénavant remplacé par Simon McBride. L'Irlandais arrivé en remplacement (décidément) de Vivian Campbell au sein du groupe de Heavy-Metal, Sweet Savage. Après des années au sein de ce combo dont le succès resta confiné au Royaume-Uni, il se lance dans une carrière solo où il change radicalement de style. Il choisit de s'orienter vers un Heavy-blues-rock mâtiné de références celtiques. Il marie la technicité et la puissance d'un Satriani, au Heavy-blues-rock de Gary Moore, de Joe Bonamassa et de Pat McManus.
 

   Et puis il y a aussi Neil Murray. L'un des bassistes phares des années 80, que se disputaient des groupes majeurs de cette décennie, faisant parfois une apparition chez l'un ou l'autre pour quelques dates, ou encore en tant que musicien de studio. Dans les années 70, il se fait remarquer au sein de Coloseum II, à l'époque de Gary Moore, puis avec Whitesnake qu'il intègre dès 1978, pour l'album "Snakebite" (avec Micky Moody). Il reste fidèle à David Coverdale pendant dix ans, jusqu'au multi-platine album éponyme. Parallèlement, aux débuts des 80's, c'est aussi le bassiste de Gary Moore, qu'il accompagne à l'occasion sur scène, quand leurs plannings coïncident. C'est le bassiste de "Corridors of Power", disque de référence de l'Irlandais balafré, et de "Rockin' Every Night". Plus quelques pièces de "Victims of the Future".
Il a aussi joué pour Black Sabbath, Peter Green, Cozy Powell, The Brian May Band, Gomagog (Paul Di Anno, Pete Willis, Clive Burr, Jannick Gers), plus les participations aux albums de Cozy Powell, John Lord, Grahama Bonnet, Mel Galley (Phenomena), Fastway, Michael Schenker, Micky Moody. Et quelques autres bien moins connus.

     Pour compléter le tableau des gros bonnets, ceux au C.V conséquent, il y a aussi Harry James, le batteur de Thunder (dès sa genèse et même avant, lorsque le groupe, du moins sa base, était nommé Terraplane) et de Magnum (à partir de la résurrection de 2008). Et Shadowman, autre groupe de vieux routiers. Et, encore, Bad Influence, un vieux petit combo qui tente depuis 1986 de ressusciter le British-blues, animé par la foi, jouant parfois dans des clubs exigus.
de G à D : Wisefield, McBribe & Wakeman

     Peut-être moins connu, car souvent resté dans l'ombre, derrière ses claviers, relégué dans un coin de la scène : Adam Wakeman. Egalement occulté par l'ombre imposante du paternel, Rick. Et débuter une carrière professionnel avec son père, n'a pas dû arranger les choses. D'autant que ces disques sont perdus au milieu de la pléthorique discographie de l'ancien claviériste de Yes.
Adam a tout de même réussi par se faire connaître au-delà d'un périmètre relativement restreint des fans inconditionnels du mage de Yes, grâce à son recrutement par les vieux sorciers fourbus de Black Sabbath, qui l'ont pris sous leurs ailes pour les accompagner en tournée. Néanmoins, sans que les projecteurs se braquent sur lui. Il joue aussi pour Ozzy, prenant à l'occasion le rôle de guitariste rythmique en concert. Il est présent sur le dernier méfait du prince of darkness,  "Scream". Les amateurs de Métal progressif ont pu faire sa connaissance avec Headspace. Sinon, bien moins reluisant, il a cachetonné pour Victoria Beckham, Atomic Kitten et Will Young. 😭 beurk 😝 😭 Il faut bien payer les impôts ...

     Bref, que du beau monde. Et le chanteur ? Celui qui se pavane, qui s'accapare la scène, celui qui généralement a le plus fort ego. Et bien lui non plus n'est pas né de la dernière pluie. Il s'agit de Chris Ousey, qui s'est illustré dans les années 80 avec Virginia Wolf, un groupe de Hard-Fm qui n'a pas fait que des bonnes choses. De bons trucs accrocheurs, mnémoniques et rafraîchissants, mais aussi pas mal de chansons insipides, froides et soporifiques. Cependant ce quintet a bénéficié de l'appui de Roger Taylor qui a produit leur 1er opus, et de celui de Jimmy Page qui l'embarqua pour soutenir The Firm en tournée. C'est que le batteur n'était autre que Jason Bonham. Ensuite, il y a l'aventure Heartland. Du A.O.R. (terme commercial absolument inapproprié) aux retombées sonnantes et trébuchantes. Des chansons mélodiques, bien écrites, impeccables et calibrées. Du Hard-rock mélodique académique et javelisé, avec force de claviers dénués d'âme, écrasé par tous les stéréotypes inhérents au genre. Même s'il y a un peu de plus de mordant et de chaleur dans ses deux récents disques en solo, on pouvait craindre le pire. Chris Ousey, en dépit de ses indéniables qualités de chanteur, pouvait se présenter comme le maillon faible de ce nouveau super-group. Capable de faire sombrer l'ensemble par faute d'incompatibilité.
McBride, James & Chris Ousey

     Or, le premier essai de 2013 est une fort bonne surprise. Ousey s'est totalement fondu dans la personnalité de Snakecharmers. A savoir, un Heavy-rock bluesy dans la continuité des premiers Whitesnake. Celui de l'époque de Micky Moody. De Bad Company, d' UFO ère Paul Chapman, de Cry of Love, de Rough Cutt, parfois même de Foreigner (sans claviers omniprésents). Voire même de Black Country Communion (sans soli omniprésents), autre super-groupe. Ainsi que, bien plus proche de chez nous, les lyonnais de Back Roads (clic-lien ici !). Par contre, malgré la présence de Laurie Wisefield, et de ce que l'on a pu lire, pas vraiment de connotation avec Wishbone Ash. Ou alors vraiment en filigrane. Le Ash étant un groupe protéiforme et truculent, allant du Heavy-rock au progressif, à l'imposante discographie, il est facile de relever des filiations deci-delà.

     Mais aujourd'hui, avec le départ avéré de Moody, incontestablement la source Bluesy du sextet, qu'en est'il ? Ce second opus, pertinemment baptisé "Second Skin", divise déjà. Pourtant, la direction est identique. Certes, l'affiliation Whitesnake est moins marquée (le départ de Moody) ; c'est une mue, une seconde peau. La couleur a plus ou moins changé, cependant le fond reste le même. Il semblerait même que cette nouvelle mouture tente de prendre du recul avec le Serpent blanc.
Les comparaisons avec Bad Company et surtout Thunder y sont dorénavant plus marquées.
Chris Ousey chante avec un peu plus de venin, perdant progressivement ses oripeaux "AOR" et ne cherchant plus à singer Coverdale. Même s'il reste forcément des traces. En fait, bien souvent, ce serait dorénavant vers Paul Rodgers que pencherait son style. Déjà, sur le disque éponyme, on pouvait quelque fois distinguer l'aura de Bad Company. Une présence qui s'affirme aujourd'hui. "Dress it Up"va plus loin en reprenant tous les ingrédients de Free ; tout y est, on croirait même y entendre l'EB3 d'Andy Fraser. Seul le refrain se rapprocherait plus d'un Bad Co (celui de "Company of Stangers"), et le solo serait un croisement de Billy Gibbons et d'Angus Young. C'est cette pièce qui aurait dû être le sujet d'un clip vidéo et non le convenu "That Kind of Love". Cette filiation avec le grand Paul Rodgers semble aller au-delà des similitudes du chant. En effet, est-ce fortuit ou pas, mais Ousey arbore le débardeur, le cheveux court et la barbe naissante, le futal serré, du Paulo du début du siècle. Certaines gestuelles semblent même lui avoir été empruntées.
de G à D : L. Wisefield & S. McBride

     Le plus étonnant c'est l'adaptation de Simon McBride qui jamais ne s'oublie dans des dérapages Heavy-Metal. Il s'est totalement dissous dans cet idiome de Heavy-rock-bluesy à la sensibilité "so British". Jamais on ne croirait qu'il a été un élément clef d'un groupe de Heavy-Metal ou même qu'il ait pris un temps le costume de guitar-hero de Heavy-blues-rock, tant il se montre discret et canalisé.
L'explication est simple : le patron c'est Laurie Wisefield. C'est le principal compositeur. McBride ne participe qu'à un seul titre.

     Rien de particulièrement électrisant (à part "Dress it Up" ?), de transcendant, car on est en terrain connu. Simplement du bon Heavy-rock au parfum bluesy, à l'ancienne, sans esbroufe, sans prétention. Du Classic-rock made in U.K.
Son principal défaut étant malheureusement l'ordre des chansons qui aurait pu être décisif à l'époque du 33 tours. S'il n'y a aucun déchet, le disque apparaît meilleur sur la seconde partie. Cela commence doucement à décoller dès "Are You Ready to Fly" (bien que ce dernier semble trop chargé pour prendre son envol). L'ouverture sonne trop comme du Whitesnake policé et calibré et le titre promotionnel est assez conventionnel, semblant répondre à des critères pré-établis.
Il y a de jolis sursauts qui accroissent, légèrement, petit à petit, l'intérêt.
Comme le juteux "I'll Take you as You Are" qui aurait pu être composé par Moody (il y a d'ailleurs quelques juteuses parties de slide) qui a le bon goût d'alterner entre instants acoustiques, presque intimes, et déflagrations de Hard-blues lyrique. Ou le sombre "Hell of a Way To Live" qui s'inscrit dans la veine de l'éphémère Coverdale - Page et de "Laughing on Judgement Day" de Thunder.
"Fade Away" résonne comme une intense ballade bluesy, nocturne et recluse, à la Joe Bonamassa. On regrettera néanmoins les anémiques chœurs féminins qui font collaborer le refrain avec une section "FM". Par contre, pour les deux soli, une porte inter-dimensionnelle s'ouvre sur le lieu de repos de Gary Moore, nous permettant d'écouter à nouveau l'Irlandais.
"Forgive & Forget" plonge dans les 70's pour retrouver la substance des groupes de heavy-rock tellement imprégnés de black-music que cela suintait de toutes parts.
Et le disque finit sur un langoureux "Where Do We Go From Here" qui se frotte crânement à Led Zeppelin (avec de fortes réminiscences de "Ten Years Gone"), avec une lente montée en puissance.

Certes, pas l'album du mois, mais sans conteste du bon boulot, qui s'écoute avec plaisir de bout en bout. Il y a pas mal de grosses machines, avec toute l'armada médiatique, qui n'ont pas fait aussi bien. D'autant plus sur la durée totale.
Par contre, les gars, pour la prochaine fois, penchez-vous un peu sur la présentation. C'est à la limite du mauvais goût des années 80. 

(1) Dans lequel officiait un certain Cliff Williams, qui est allé chercher fortune à l'autre bout du monde, en Australie.
(2) Avec ces chanteurs, il enregistre trois disques studio et un live avec Chapman, un disque et deux live avec Tina, dont le fameux "Live in Europe". Il est de retour avec Tina pour sa longue tournée "50th Anniversary Tour" qui fit aussi l'objet d'un CD.


 
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