mercredi 23 août 2017

The BOYZZ "Too Wild To Tame" (1978), by Bruno



     Nouvel élément ajouté au chapitre des pépites « oubliés » (en particulier ceux des années 70). J'aime bien ce chapitre. Réservé aux bafouilles, sur ces groupes qui ont disparu après avoir réussi à enregistrer et à sortir le fameux premier disque. Le but ultime, l'Eldorado, la Terre Promise, hélas atteint au prix de pénibles et douloureux efforts qui souvent a servi à donner le coup de grâce à des jeunes la tête pleine de rêves et d'espoir, éreintés par des années de galères, de mauvaise nutrition et de nuits écourtées.
Dans la catégorie des loosers magnifiques, The Boyzz.


     Il fut un temps où l'on parlait de ce disque comme d'un trésor jalousement caché, connu des seuls initiés. Le genre de truc que l'on ne faisait connaître qu'aux gars que l'on estimait assez dignes à recevoir cette manne. Prêter le disque ou la K7 à un clampin qui s'abreuvait parfois au Top40 et autres émissions faisandées, qui écoutait de la New-Wave ou que l'on avait surpris en train d'écouter une bouse disco, c'était  jeter des perles aux cochons.
Très vite, l'unique disque de The Boyzz, "Too Wild to Tame", est devenu un disque culte.

     The BOYZZ était le genre de groupe à laisser un souvenir impérissable. Si de nos jours, son Rock sudiste puant la sueur et l'essence pourrait paraître assez conventionnel, en 1978, il ne courait pas les rues. D'autant moins en Europe, et ne parlons même pas du pays des fromages qui puent.
The BOYZZ, c'était du 100% made in USA, mûri dans un vieux fût de Jack Daniel, et apte à décalaminer les plus encrassés des carburateurs de Harley ou d'Indian Motorcycle.

     Bien que cet album sente à plein nez le bitume, les bars et les bourgades des états du sud des USA, le collectif est originaire de Fox Lake, un grand village de plusieurs milliers d'habitants (1) de l'Illinois, situé au nord de Chicago.
On racontait que les musiciens étaient tous plus ou moins motards. Une des raisons pour laquelle on attribuait souvent leur musique à de la musique de-et pour bikers. On disait même que ces derniers la revendiquaient comme leur. (Ce sont bien des motos que l'on entend rugir à la fin de la chanson "Too Wild to Tame").
Dans la tradition des groupes de Southern-rock qui apprécient généralement les formations bien fournies, celle-ci est composée de six musiciens. Mike Tafoya et Gil Pini aux guitares, David Angel à la basse, Kent Cooper à la batterie, Anatole Halinkovich aux claviers (orgue, piano et synthés), et Dirty Dan Buck au chant, harmonica et guitare. C'est particulièrement ce dernier qui marquait les esprits avec son timbre écorché, préparé au papier de verre et soigné au bourbon. Digne d'une trachéite aiguë. De quoi rendre jaloux tous les gueulards du Heavy-Metal qui ne peuvent finir un court set sans cracher le sang (ou de compenser par quelques effets de la table de mixage ...). Un croisement de Bob Seger, de Warren Ham (1er chanteur de Bloodrock) et de Jim Dandy, de Black Oak Arkansas, en nettement plus éraillé. D'ailleurs, comme ce dernier, Buck faisait le show. Généralement torse nu, sa prestation est très physique, au point qu'il paraît parfois au bord de l'épuisement. Dirty Dan Buck éructe telle une entité infernale, en permission du royaume des ombres, excité à l'idée d'aller taquiner quelques humains qui n'ont pas la conscience tranquille.

   Autre particularité, les cuivres. Outre l'harmonica de Buck qui surgit parfois comme un diablotin inspiré par les prouesses d'un Magic Dick, ce Southern Rock est copieusement épicé d'une section de cuivres teigneux. Rien de rutilant, ça fait plutôt dans le graisseux, dans le cambouis. Loin d'édulcorer le propos, les cuivres lâchent les chevaux. Ils procurent un supplément de puissance et d'ivresse. La sensation des cheveux dans le vent au volant d'une Ford Mustang cabriolet  289ci (ou 302 ci).

     Avec une base plutôt Rock'n'Roll - à ce titre "Good Life Shuffle" est même un pur moment de Rock'n'Roll fifties avec chœurs féminins digne des Andrews Sisters -, le sextet insuffle assez de hargne et de tripes pour le faire pencher vers un Heavy-rock abrasif, chaud-bouillant. Toutefois, rien de bougon ou de maussade ici, par delà la dureté de leur Heavy-Rock'n'Roll sauvage et brut, il surnage un esprit festif. Les choristes et les cuivres apportent un peu de fraîcheur à ce Rock rugueux et fruste.
Rien à voir avec un premier jet hésitant d'un jeune groupe se cherchant encore. C'est du solide. Le groupe est soudé, et même lors des mouvements avec cuivres, personne ne sort du rang, comme lors d'une sortie officielle et paradeuse du Outlaws Motorcycle Club (2).
La production de Ron et Howard Albert (3), outre la section de cuivres invitée, se s'embarrasse pas d'arrangements : c'est du brut. Même les guitares semblent absolument désintéressées par quelconque effet. Direct dans l'ampli et on envoie (quoi que, p't'être un p'tit phaser de temps à autre pour une des guitares). A l'image du groupe en concert.
Du Heavy-rock boogie qui ferait le lien entre le Silver Bullet de Bob Seger, le Rock'n'Roll de J. Geils Band, le Southern Rock de Black Oak Arkansas, le Heavy-boogie-rock-metal de The Godz, et le Hard-rock de Bloodrock.
   

 
The BOYZZ
tournait avec les plus grands d'alors : Cheap-Trick, Aerosmith, REO Speedwagon, J. Geils Band, Meat Loaf, Rush - mais aussi avec des petits Anglais impatients de conquérir l'Amérique, dont UFO et Judas Priest - .

Exaltés et rassérénés par l'accueil du public, considérés par leur public local comme la fierté de Chicago, les gars ne tardent pas en rentrer en studio. Il faut battre le fer tant qu'il est chaud. De plus, il y a du matériel. Le second opus est enregistré et bouclé en 1979, et on lui a même déjà trouvé un titre : "Midwest Kids".
Cependant, pour on ne sait quelle raison, cela n'a pas été suffisant pour faire décoller leur carrière. Pourtant, ce n'était pas faute d'assurer et d'être attractifs en concert. Les quelques rares témoignages filmés donnent l'image d'un groupe en tout point professionnel, apte à rivaliser avec n'importe lequel de leurs pairs.

     Et hélas, les résultats des ventes de disques ne furent guère suffisantes aux yeux de leur label Epic, dont l'appétit, attisé par un chiffre d'affaires en perpétuelle progression depuis quelques années, est devenu subitement bien inextinguible (3). Il n'eut aucun a priori pour les virer. Il ne daigna même pas sortir leur second disque qui, à ce jour, reste totalement inédit.
Le sextet, dépité, incrédule devant ce retournement soudain de situation, n'y survit pas. 
Les années d'effort, avec jusqu'à 300 dates annuelles, tout en travaillant pour certains, la fatigue accumulée couplée à cette énorme déception et incompréhension, découragent définitivement le groupe.
Comment se peut-il qu'il soit juger de valeur insuffisante par leur label alors que la presse l'encense et que le public répond présent et lui témoigne sa satisfaction ? 

     Quelques survivants, plus opiniâtres, ne sont pas encore prêts à rentrer la queue entre les jambes, à la maison. Mike Tafoya, David Angel et Tony Hall (ex-Anatole Halinkovitch) remettent le couvert avec le renfort de deux nouveaux : Tom Holland et Steve Riley (4). Mike, David et Tony, résignés, ont désormais mis de l'eau dans leur vin. Renouant avec Epic, ce dernier impose le producteur Tom Werman (connu pour avoir imposé, dans leur dos, un son policé à Cheap-Trick sur "In Color"). Le résultat fait blêmir de rage tous les fans de The Boyzz. On espérait légitimement quelques retombés volcaniques, d'autant plus que le nouveau patronyme, The B'zz, donne à espérer en une certaine forme de continuité, mais que nenni. C'est devenu un groupe de Power-pop qui ferait passer Foreigner pour un groupe de Heavy-Metal (j'exagère ? Oui, un peu). De plus, le label n'est pas dupe, et joue sur les deux tableaux. Ainsi, le premier titre, qui donne aussi son nom à l'album, est un pur morceau de Hard-rock racé. La suite baigne dans un Rock mélodique redondant, parfois fade, malgré de la bonne matière sous la croûte sirupeuse. Quelques sursauts néanmoins avec "When You Love" et "Runaway Love Affair", voire "I Love the Way" (qu'Holland reprendra avec son propre groupe) et le Rhythm'n'Blues "Not my Girl", qui démontrent, qu'en inversant les quotas (moins de sucreries et plus de Rock), The B'zz pouvait faire un bon disque.
 
The Boyzz et des potes motards

   Depuis, certains membres du groupe ont bien cherché à retrouver les bandes de leur deuxième essai, sans résultat. Reste donc ce formidable "Too Wild to Tame" qui s'apprécie comme un bourbon hand-made sans glace.


     Une rumeur tenace raconte que Kiss - ou son management - souhaitait contacter Mike Tafoya pour intégrer le groupe de fanfarons de comics du Hard-rock.
Apparemment, le groupe rejouerait de temps à autres à Chicago et aux alentours.

     Une fois n'est pas coutume, mais cette fois-ci, ce sont nos courageux et combatifs labels français qui ont œuvré pour la réhabilitation de ce disque, et notamment pour son édition en CD. D'abord Axe Killer en 2001, et puis, tout récemment, courant fin 2016, Bad Reputation.

(1) à l'époque, aujourd'hui la démographie est en augmentation.
(2) Club de motards fondé à McCook, Illinois, rival des Hells Angels.
(3) Célèbres ingénieurs et producteurs installés en Floride, à Miami, (dans leurs studios, Criteria), qui ont gagné leur renommé grâce à Derek & the Dominos, Allman Brothers Band, Crosby, Still & Nash, Bee Gees, Joe Cocker, The Eagles, Johnny Winter, Pure Prairie League, Aretha Franklin, Frank Zappa, Wishbone Ash, John Mellecamp, Freddie King, James Gang, Joan Jett, Beach Boys, The Outlmaws, Ted Nugent, Steve Miller, Neil Young, et bien d'autres.
(3) Epic est en pleine expansion. 1978 est probablement une de leur meilleure cuvée. Le label se frotte alors les mains avec les ventes vertigineuses de Cheap-Trick (Live at Budokan et Heaven Tonight), Boston (Don't Look Back), REO Speedwagon (You can Tune a Piano, but You Can't Tuna Fish), Heart (Dog & Butterfly), The Isley Brothers (Showdown), et de Ted Nugent (Double Live Gonzo et Week End Warrior). Et puis, l'année précédente, Meat Loaf et Jim Steinman avait explosé les compteurs avec "Bat Out of Hell".
(4) C'est bien le même Steve Riley de W.A.S.P. et de L.A. Guns. (il a aussi assuré la batterie pour les sessions du 2sd disque de Keel)



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Extraits live (qualité audio passable)

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Bonus : The Boyzz et Meat Loaf, ensemble, live
zz

4 commentaires:

  1. Fait aussi beaucoup penser à Moxy.

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    1. Haaa ? Vraiment ? Du premier alors, non ?
      De mémoire, Moxy me semble plus carré, plus Heavy aussi.

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  2. Déjà entendus parler, mais jamais écouter...quel imbécile je suis !!! Il va falloir que je me rattrapes et que je cours les conventions pour trouver leurs disco. Etonnant le titre "Back to Kansas" qui sonne entre un Boogie à la Status Quo et un Glam à la Slade, et de voir le bon vieux Meat Loaf avec une Gibson SG 69 au meilleur de a forme est rafraîchissant !

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    1. Mais oui, effectivement. Maintenant que tu le mentionnes, c'est vrai que "Back to Kansas" a pas mal de Slade en lui. Bien "vu".

      (on peut aisément le trouver à des prix corrects)

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