lundi 11 décembre 2017

JEUNE FILLE par Anne Wiazemsky (2007) - par Nema M.



- B’jour Sonia.
- Salut Nema. Oh ! C’est quoi ça, cette petite peluche accrochée à ton sac ?
- Un petit âne gris, je l’ai appelé Balthazar. Chouette, non ?
- Un âne chouette ? Grand amour pour les animaux* à ce que je vois. Pourquoi Balthazar ?
- Parce que c’est le nom de l’âne dans un film dont le tournage est raconté dans un beau roman…

* Nema a évoqué un chien qui parlait dans sa première chronique « Le chien, la neige, un pied »

Anne Wiazemsky (1947-2017)
Un roman paru en 2007, séduisant à plus d’un titre : le récit d’une jeune fille à la première personne sans coquetterie mais sans rien cacher des émois de ses 18 ans, une remontée dans le temps, 1965 à Paris et en banlieue, et le tournage d’un film par un grand réalisateur, avec entre autres interprètes un âne….
Avoir 18 ans en 1965 et être la petite fille de François Mauriac (Catholique conservateur, Académicien et prix Nobel de littérature, fin décodeur de la vie politique de son temps et auteur entre autres du Désert de l’amour, de Thérèse Desqueyroux…) ce n’est pas forcément simple. La lycéenne d’alors va être amenée à rencontrer un autre « grand monstre sacré » : le réalisateur Robert Bresson.

La jeune fille fraiche et candide est attirée par le 7ème art, attirée et emmenée tambour battant par une jeune actrice qui la guide et lui fait rencontrer celui qui va être son mentor tout au long du roman. Se tisse alors un jeu de découverte de l’un et l’autre, de séduction/admiration autour de l’œuvre en train d’être créée (le film Au hasard, Balthazar). Mais l’héroïne quelque peu incitée par des amis un peu plus âgés qu’elle, a envie de découvrir l’amour physique (« c’est la nature » comme disait Pauline Lafont dans l’Eté en pente douce… mais ne nous égarons pas). La rencontre avec l’homme pour passer à l’âge adulte, pour devenir une femme, elle l’organise avec une rigueur et une désinvolture très avant-gardiste pour cette époque et dans une famille bourgeoise du 16ème arrondissement de Paris. Pour entrer dans l’atmosphère familial, il faut ajouter qu’Anne est une lycéenne, élève d’une institution privée catholique, Sainte Marie, et que si elle a obtenu de son grand-père et de sa mère (le père d’Anne est décédé quelques années plus tôt) l’autorisation de participer au tournage du film c’est parce que ce tournage doit se faire pendant les vacances scolaire de l’été 1965. La mère d’Anne est un personnage important de ce roman, personnage touchant, élevé dans un cadre très bourgeois et conventionnel et en même temps empli d’amour pour sa fille. Qui n’est pas une fille très facile à élever…

Autre atmosphère, celle du tournage du film à Guyancourt dans les Yvelines. Le charisme et l’exigence d’un Robert Bresson (qui a pratiquement l’âge du grand-père de l’héroïne) emplissent les scènes de tournage et les nombreuses répétitions avant les prises de vue. Le souci de la lumière et de l’éclairage pour rendre au plus près de leurs émotions ces gros plans sur les visages des interprètes, sont un des signes de la patte de maître Robert Bresson. Ce travail du détail, cette recherche de la perfection donnent parfois à penser que c’est quand même un peu un tyran. Mais le résultat est là, certes dans un noir et blanc un peu désuet mais poignant. (Bande annonce du film en fin d'article.)    
Et vous avez-vu ? Il y a un âne. Et cela n’a pas été simple de le faire jouer correctement. Un âne ça ne fait pas forcément ce qu’on lui demande même quand on est un grand réalisateur…
Robert Bresson, un grand réalisateur : Journal d’un curé de campagne, Un condamné à mort s’est échappé, Mouchette… Mais je laisse le soin à un autre rédacteur du Déblocnot’ de vous en parler à l’occasion…   
J’ai été très triste de découvrir qu’Anne Wiazemsky venait de mourir à 70 ans, quand j’ai terminé la lecture de ce roman. Certes et comme elle l’a indiqué dans son récit, elle était la petite fille de François Mauriac, mais pas que. Elle a fait une carrière d’actrice, de réalisatrice et d’écrivain. Elle a eu des convictions de femme libre et elle les a défendues. Dans Jeune fille, son style élégant et fluide nous entraîne avec légèreté dans cet apprentissage de sa vie de jeune adulte, de jeune femme, de jeune artiste. Les mots peignent par petites touches successives les sentiments des principaux protagonistes mieux que ne le saurait faire une impression en noir et blanc sur une pellicule.

Bonne lecture…

Folio (Gallimard) : 224 pages
Autre chronique à lire : l’Été en pente douce



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