vendredi 14 juillet 2017

LA DAME DE ZAGREB de Philip kerr (2015) par Luc B.



La particularité de cette série de bouquins est sa chronologie. Dans les premiers tomes sortis, LA TRILOGIE BERLINOISE, nous étions en 1936, puis 1938, et 1945. Et le lecteur de se dire : mais qu'a fait le héros, Bernie Gunther, entre 38 et 45 ? Puis Philip Kerr a fait paraitre des histoires situées en 1951, 1954, on revenait ensuite au début des années 40… Original. Ainsi, la carrière du flic allemand, Gunther, se recomposait, façon puzzle.

la villa Wannsee (Minoux)
Pour LA DAME DE ZAGREB, nous sommes en 1943, et dans la chronologie des intrigues, il se situe juste avant et après LES OMBRES DE KATYN. Au début du roman, Gunther revient du front oriental, engagé d’office par sa position de policier. Il reprend son job, et c’est à ce titre qu’il est invité à une conférence réunissant le gratin des flics européens. La réunion a lieu à la villa Vannsee. A laquelle s’intéresse aussi le Dr Heckholz, avocat de son propriétaire Friedrich Minoux, qui soupçonne quelques malversations. La villa abrite la fondation Nordhav, gérée de manière opaque par quelques hauts dignitaires nazis.

Lida Baarovà
Gunther va devoir frayer avec les huiles policières européennes, et découvrir ce qui se trame. Comme d’habitude, intrigues tortueuses, meurtres à élucider, et notre flic empêtré dans un panier de crabes, de généraux corrompus et dangereux. Et puis Philip Kerr laisse tomber l’affaire, un an se passe, et Gunther est muté aux Crimes de Guerre (ce qui pour un gouvernant nazi pratiquant les crimes de masse peut faire sourire).

Et une nouvelle affaire se présente, du genre privée… Rien de moins que Joseph Goebbels - ministre de la propagande, et à ce titre grand patron des studios de cinéma - qui engage Bernie Gunther pour persuader l'actrice Dalia Dresner de venir tourner à Berlin. Elle n’acceptera que si on lui donne des nouvelles de son père, disparu en Croatie.

Commence alors un autre roman, le voyage dans une Yougoslavie en état de guerre civile, où chacun se massacre joyeusement. Les bosniaques musulmans sont enrôlés dans la SS pour leur antisémitisme. On y découvre le camp d’extermination de Josenovac, où sont déportés des Serbes, des Tziganes, des orthodoxes…  Un éclairage sur le conflit européen dans cette région, où règne un chaos abominable, où les exactions n’ont rien à envier à ce qui se passait en Ukraine. Le livre nous rappelle aussi combien un certain nombre de généraux étaient farouchement anti-Hitler (ce qui n’en faisait pas des oies blanches pour autant) et souhaitaient négocier la paix, voyant l’enlisement du conflit en Europe, et la très certaine défaite de l’Allemagne. Il est aussi question d’une éventuelle invasion de la Suisse, mais ne dévoilons pas tout sur ces histoires de vrais faux plans…  

Le camp de Josenovac
Évidemment, les deux intrigues vont se compléter. C’est aussi l’intérêt de cette construction, le très long prologue de la villa Minoux sert à préparer la suite, où Gunther va croiser des criminels de guerre, les services secrets américains, la police suisse…

Comme à l’ordinaire, cette série de Philip Kerr est joliment écrite, les dialogues font souvent mouche, s’inscrivant dans le style des hard boiled (roman noir américain à la Chandler). Philip Kerr ancre ses romans dans l’Histoire, et se documente toujours énormément.  Un peu trop parfois, quelques explications trop didactiques freinent parfois le récit purement policier. Le roman mêle personnages fictifs ou réels, ou des créations inspirées de, (Dalia Dresner est un mix d'Hedy Lamarr, Greta Garbo et Lida Baarovà - star tchèque et maitresse de Goebbels) ce qui fait tout le sel de cette série.

Bernie Gunther est l’allemand le plus anti-nazi du Troisième Reich, de plus en plus désabusé, cynique, face aux crimes commis au nom de la race supérieure. Un héros qui se complexifie avec le temps et les éclairages sur sa vie, parsemés ci et là, en fonction de l’époque où se situe l’intrigue. Pour le prochain, découvrira-t-on un Gunther retraité, ou le retour du jeune chef de la sécurité de l’hôtel Adlon au début des années 30 ?

Amateurs de polar, d’intrigues retorses, d’Histoire et de seconde guerre mondiale, cette série est faite pour vous. Et pour une fois, pas besoin de commencer par le premier, puisque le premier, on ne sait toujours pas s’il a été écrit !  
   

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